La Clef des Champs Forum d'amitié |
| | Antonio Lobo ANTUNES | |
| | Auteur | Message |
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Nicamic
Nombre de messages : 28220 Localisation : Perpignan Date d'inscription : 10/03/2014
| Sujet: Antonio Lobo ANTUNES Mar 3 Jan - 23:07 | |
| L'auteur : Né en 1942 à Lisbonne et issu de la grande bourgeoisie portugaise, António Lobo Antunes a fait des études de médecine et s’est spécialisé en psychiatrie, métier qu'il a exercé à l'hôpital Miguel Bombarda dans les années 1970-1980. Au début des années 1970, il a été envoyé en Angola où il a participé à la guerre coloniale, comme tous les jeunes hommes de sa génération. Auteur à ce jour de plus de trente ouvrages traduits dans les principales langues et publiés pour la plupart chez Christian Bourgois éditeur, il est aujourd'hui l'une des grandes figures de la littérature contemporaine. De nombreux travaux ont été consacrés à son œuvre, et il a reçu de multiples prix littéraires, dont le Prix Union Latine en 2003, le Prix Jérusalem en 2005 et le prix Camões en 2007. Une saison théâtrale proposant une soixantaine d’événement autour de son œuvre (concerts, lectures, installations, spectacles, etc.) lui a été dédiée à la Maison de la Culture de la Seine Saint-Denis (MC93) à Bobigny de janvier à juin 2011. - Citation :
- Mon travail est presque terminé. J’ai écrit les livres que je voulais, comme je le voulais, pour dire ce que je voulais : je n’en changerais pas une ligne et, si on m’accordait cent ans de vie supplémentaire en échange de mes livres, je n’accepterais pas. Le tout est exactement tel que je l’ambitionnais. Il y a une dizaine de jours, j’ai achevé mon dernier roman. Si jamais j’ai le temps, et bien que mon œuvre soit complète (j’ai toujours voulu laisser une œuvre complète), il est possible que j’y ajoute une espèce de post-scriptum. Je ne sais pas si je vais le faire.
C'est ce qu'il a écrit dans une chronique intitulée Adieu en 2012 mais en 2015 paraissait encore De la nature des dieux ! Le cul de JudasPublié au Portugal en 1979, ce roman a été traduit en français et publié aux éditions Metailié en 1983. C'était son deuxième roman et son premier grand succès littéraire 4e de couverture : A Lisbonne, une nuit dans un bar, un homme parle à une femme. Ils boivent et l’homme raconte un cauchemar horrible et destructeur : son séjour comme médecin en Angola, au fond de ce "cul de Judas", trou pourri, cerné par une guerre sale et oubliée du monde. Extraordinaire par l’originalité de sa forme, la force et la poésie de sa langue, l’acuité de son intelligence. _________________ "Ne te courbe que pour aimer." René Char
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| | | Nicamic
Nombre de messages : 28220 Localisation : Perpignan Date d'inscription : 10/03/2014
| Sujet: Re: Antonio Lobo ANTUNES Mar 3 Jan - 23:16 | |
| Le cul de Judas – mon point de vue
Un livre étonnant d’un des plus grands auteurs portugais contemporain, à ne pas ignorer par conséquent. Bien qu’il soit relativement court, j’ai mis plusieurs soirées à le lire à cause du style si particulier, auquel je me suis habituée peu à peu : un texte dense et compact, les méandres des phrases sans fin, l’accumulation d’adjectifs et de métaphores, l’absence de respirations ou plutôt un rythme syncopé qui finit par s’imposer mais rend la lecture haletante, il a fallu les accepter ! Et finalement comprendre que cette écriture colle parfaitement à ce long monologue qui dénonce la colonisation, la guerre et la bêtise, mais évacue aussi en un torrent de mots les souffrances et la lâcheté du narrateur, à jamais brisé par ce qu’il a vécu. J’ai pensé à Céline, pour l’écriture, mais le narrateur d’Antonio Lobo Antunes m’a aussi fait irrésistiblement penser au Clamence de Camus dans La Chute qui, lui aussi, se livre à une longue confession devant un inconnu dans un bar. Bien sûr, le sujet n’est pas le même mais la mise en scène dans un bar, la noirceur, la dérision et le côté universel des questions soulevées ont, pour moi, une parenté évidente. Reste que chez l’auteur portugais la violence des faits et des mots éclate à chaque page alors qu’elle n’est que sous-jacente chez Camus. Il y a dans ce livre quelque chose d’envoûtant. Pour finir, je me pose une question, sans trouver de réponse : pourquoi Antonio Lobo Antunes a-t-il choisi le procédé littéraire du monologue adressé à une inconnue muette, procédé bien usé me semble-t-il ? J’aimerais savoir ce que cela apporte à son récit selon lui...
_________________ "Ne te courbe que pour aimer." René Char
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| | | le lémurien
Nombre de messages : 44244 Localisation : à gauche d'Alpha du Centaure Date d'inscription : 10/03/2014
| Sujet: Re: Antonio Lobo ANTUNES Mer 4 Jan - 9:28 | |
| Citation :Mon travail est presque terminé. J’ai écrit les livres que je voulais, comme je le voulais, pour dire ce que je voulais : je n’en changerais pas une ligne et, si on m’accordait cent ans de vie supplémentaire en échange de mes livres, je n’accepterais pas. Le tout est exactement tel que je l’ambitionnais. Il y a une dizaine de jours, j’ai achevé mon dernier roman. Si jamais j’ai le temps, et bien que mon œuvre soit complète (j’ai toujours voulu laisser une œuvre complète), il est possible que j’y ajoute une espèce de post-scriptum. Je ne sais pas si je vais le faire.C'est ce qu'il a écrit dans une chronique intitulée Adieu en 2012 mais en 2015 paraissait encore De la nature des dieux !cela me fait penser aux chanteurs qui font leurs adieux à plusieurs reprises ! je suis tentée à cause de ce que tu en dis, je le note pour le chercher à la bibliothèque. Merci ma Nic. _________________ Nous étions une étrave face à la vague grise puissante et salée du monde. Notre neuve impatience s'est brisée dans le silence hurlant. Ysandre
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| | | Nicamic
Nombre de messages : 28220 Localisation : Perpignan Date d'inscription : 10/03/2014
| Sujet: Re: Antonio Lobo ANTUNES Mer 4 Jan - 9:43 | |
| _________________ "Ne te courbe que pour aimer." René Char
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| | | Sapho
Nombre de messages : 20554 Localisation : BRABANT WALLON-BELGIQUE Date d'inscription : 14/03/2014
| Sujet: Re: Antonio Lobo ANTUNES Jeu 5 Jan - 10:58 | |
| Ce livre me parle et grâce à tes ressentis si précis quant à l'écriture du livre; je sens que je vais me l'offrir lors d'une prochaine commande.
La bibliothèque de Nivelles est pauvre en écrivains étrangers et surtout en littérature moderne. Elle ne rentre que des ouvrages dit"grand public" et je ne trouve jamais rien qui me convienne. Du coup, j'ai abandonné!
Merci ma Nic pour ce partage ! J'aime découvrir de nouveaux " bons" auteurs ! _________________ Nous sommes nos choix. (Sartre) |
| | | Sapho
Nombre de messages : 20554 Localisation : BRABANT WALLON-BELGIQUE Date d'inscription : 14/03/2014
| Sujet: Re: Antonio Lobo ANTUNES Lun 10 Avr - 15:10 | |
| Je viens de terminer : La splendeur du PortugalRESUME A travers les monologues alternés d'une mère et de ses trois enfants, derniers rejetons déchus d'une riche lignée de colons portugais en Angola, ce roman dresse le sombre bilan d'un processus historique d'avilissement d'une catégorie d'êtres humains. Au fil d'évocations tragiques et de scènes bouffonnes, entrelaçant l'atmosphère d'un pays déchiré par la guerre et celle des temps de la prospérité coloniale, ces personnages dévoilent les arcanes de leurs vies antérieures, là où le vent de leur identité se désagrège. Minés par la folie à force de vivre à contre-destin, ils resteront écartelés entre leur attachement ombilical à l'Afrique de leur enfance et la honte d'admettre que cette Afrique de rêve recouvrait un effroyable cauchemar.
CE QUE J'EN PENSE La splendeur du Portugal se montre déconcertant. Avec son style unique , António Lobo Antunes nous plonge dans un récit complexe et décousu, entre réalité et fantasme qui demande un effort d'attention aux lecteurs. L’auteur y dépeint un monde compliqué à travers les non-relations des membres d’une même famille. Il table sur les répétitions et nous plonge dans les dédales de personnages aux ressentis variés. J'ai eu le sentiment de lire un récit qui tourne en rond. Pourtant il se traduit en réalité comme la volonté certaine de voir António Lobo Antunes nous enfoncer toujours plus dans les méandres, ceux d’un marasme qui annihile toute identité et attachements à des racines.Tout du long, La Splendeur du Portugal est bercée par les égarements amers de pantins désuets. Des pantins qui sont les victimes du ridicule de leur existence. Il en ressort une œuvre fascinante et terrifiante; d'une écriture à nulle autre pareille tant elle est envoutante et personnelle.« Toute l'œuvre de Lobo Antunes se situe sous le signe de la désacralisation qui n'épargne ni la bourgeoisie complice de Salazar ni les démocrates nouveaux qui n'ont pas su tenir les promesses de la révolution. Avec rigueur et obstination, il fait le procès de la société portugaise et de ses trivialités, des institutions et de leurs mensonges, du pouvoir et de ses compromissions. Un procès ou Lobo Antunes donne systématiquement la parole aux victimes, aux opprimés, renversant les rôles que tiennent les uns et les autres dans la vie réelle. » (extrait d'un article de Tirthankar Chandra, L'Humanité, 16 mars 2000) _________________ Nous sommes nos choix. (Sartre) |
| | | Nicamic
Nombre de messages : 28220 Localisation : Perpignan Date d'inscription : 10/03/2014
| Sujet: Re: Antonio Lobo ANTUNES Lun 10 Avr - 15:26 | |
| _________________ "Ne te courbe que pour aimer." René Char
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| | | Sapho
Nombre de messages : 20554 Localisation : BRABANT WALLON-BELGIQUE Date d'inscription : 14/03/2014
| Sujet: Re: Antonio Lobo ANTUNES Lun 17 Juil - 11:32 | |
| Je viens de terminer ce magnifique livre intitulé LE CUL DE JUDAS dont tu parles avec beaucoup de justesse sur ce fil ma Nic !MON RESSENTI Ce que l'auteur a vécu en Angola l’a marqué définitivement et c’est un homme vaincu, « désemparé de lui-même » qui parle. Il ne se pardonne pas d’avoir été le complice lâche de cette guerre injuste et inutile alors que tout en lui se révoltait. Il est revenu dans son pays natal, brisé, inadapté à la vie, incapable de se libérer de ses fantômes, de s’aimer donc et d’aimer les autres. Ses relations amoureuses se construisent sur des illusions et il retourne immanquablement à sa desséchante solitude.
C’est un livre poignant, violent, iconoclaste, présentant une vision crépusculaire, hallucinée d’une tragédie de "notre" histoire dont le souvenir est toujours brûlant pour le narrateur. Il nous la livre avec une sincérité crue, sans complaisance et une dureté parfois extrême.
Ce livre est écrit dans un style baroque, splendide, « lumineux », même lorsqu’il décrit la noirceur et l’inhumain. Les images, les métaphores sont toujours très riches avec des touches d’humour même si c’est un humour de dérision, dévastateur. Il y a des pages sublimes sur les lieux, les paysages, les hommes noirs .
Ce roman d’expérience (Antonio Lobo Antunes a passé 27 mois dans « l’enfer » angolais) est paru en 1979 au Portugal. C’est le premier livre de l’auteur à avoir été traduit en français. C’est un livre qui ne s’oublie pas et qu’il faut lire car au-delà du contexte propre à l’Angola, il nous parle de l’horreur de toutes les guerres de façon magistrale. _________________ Nous sommes nos choix. (Sartre) |
| | | Sapho
Nombre de messages : 20554 Localisation : BRABANT WALLON-BELGIQUE Date d'inscription : 14/03/2014
| Sujet: Re: Antonio Lobo ANTUNES Lun 17 Juil - 11:37 | |
| CITATIONS Ils sont aussi salauds les uns que les autres, docteur, mais qui est en train de se faire baiser la peau c'est nous, ici. Faites un effort pour me trouver une petite maladie comme il faut car j'en ai marre de cette putain de guerre. […] Une maladie, docteur, insistait le lieutenant, anémie, leucémie, rhumatisme, cancer, goitre, une maladie quelconque, une maladie merdique qui me foute à la réserve : qu'est-ce qu'on fait ici ? Vous vous êtes demandé ce qu'on fait ici ? Vous pensez que quelqu'un va vous remercier, eh, non, foutaises, vous pensez que quelqu'un nous remercie ? Par-dessus le marché, voyez ma déveine, j'ai reçu hier une lettre de ma femme qui m'annonçait que la bonne avait demandé son congé, qu'elle s'en était allée, qu'elle a foutu le camp : il n'y avait pas de gars pour la marquer, la nénette, et voilà le résultat. Croyez-moi docteur, une bonniche que le patron ne baise pas, n'arrive pas à s'attacher à une maison. Je lui avais acheté des bas en dentelle noire et des culottes rouges, les couleurs de l'Artillerie, ma femme partait tôt au travail, elle, elle m'apportait le petit déjeuner au lit avec ses bas et sa culotte croquante comme du maïs, elle levait le drap, regardait et disait Ah, mon lieutenant, c'est si grand aujourd'hui. »Il me semblait que lorsque la radio avertirait que nous pouvions rentrer chez nous, un pénible réapprentissage de la vie nous serait nécessaire, à la manière des hémiplégiques qui exercent leurs membres, nouilles difficiles à tenir, dans des appareils et des piscines. […] Une fois passé le concierge, la fausse indulgence des médecins, édifiée en carton peint par une bonne volonté postiche, on trouve, peu à peu, en descendant la rue, la matinée géométrique de la ville […], on pénètre dans un bistrot fantasmagorique pour un premier café-crème libre, on regarde les retraités jouer aux dominos dans l'éternelle attitude des joueurs de cartes de Cézanne, et on sent que l'on a cessé, irrémédiablement, d'appartenir à ce monde-là, net et direct, où les choses ont la consistance des choses, sans subterfuges, ni sous-entendus, et où les journées peuvent encore nous offrir, vous savez ce que c'est, malgré les angines, les créanciers et les traites de la voiture, la surprise de gagner le gros lot d'un sourire que l'on n'a pas demandé. _________________ Nous sommes nos choix. (Sartre) |
| | | Nicamic
Nombre de messages : 28220 Localisation : Perpignan Date d'inscription : 10/03/2014
| Sujet: Re: Antonio Lobo ANTUNES Lun 17 Juil - 11:55 | |
| _________________ "Ne te courbe que pour aimer." René Char
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| | | le lémurien
Nombre de messages : 44244 Localisation : à gauche d'Alpha du Centaure Date d'inscription : 10/03/2014
| Sujet: Re: Antonio Lobo ANTUNES Mar 18 Juil - 7:31 | |
| je n'ai toujours pas lu "le cul de Judas", quand je l'ai trouvé à la bibliothèque près de Niort, il était déjà en main et j'arrivais en 6ème position, ensuite, j'ai oublié ! la bibliothécaire qui m'avait noté sur ses tablettes, a oublié aussi de m'avertir. Donc, c'est à refaire ! Ce livre, cette écriture m'intrigue, à cause de ce que vous en dites .... _________________ Nous étions une étrave face à la vague grise puissante et salée du monde. Notre neuve impatience s'est brisée dans le silence hurlant. Ysandre
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