Nuit de la lecture

F. Nyssen, ministre de la Culture a écrit:

La lecture agrandit nos vies. Parce que c’est une passerelle vers le savoir, la connaissance, l’information ; une passerelle vers le rire, le rêve, les larmes ; vers des territoires et des époques que l’on ne connaîtrait pas autrement que par le récit des narrateurs qui nous y portent. C’est une passerelle vers l’Autre, aussi.
La Nuit de la lecture est un moment de reconnaissance pour toutes celles et ceux qui sont engagés dans cette formidable aventure de la promotion de la lecture. Je formule le vœu que la Nuit de la lecture devienne une rencontre populaire identifiée par tous, une invitation à pousser la porte de sa librairie, de sa bibliothèque, d’un musée, d’un café pour venir partager un moment de lecture. Le 20 janvier prochain, partout en France, nous avons tous rendez-vous.

Voilà comment, à l'invitation de la Médiathèque de Perpignan, je me suis retrouvée à participer à la soirée du 20, en lisant pour le public le texte qui suit   :

Citation :

Une bibliothèque, la nuit...

    Des livres partout, des rangées, des rangées et encore des rangées, disposées autour d’espaces intimes de lecture : la bibliothèque ressemblait à un labyrinthe. Les lumières s’éteignirent une à une et l’obscurité prit possession des allées, l’une après l’autre. Les veilleuses bleues jetaient des lueurs douces que cernaient des ombres alentour. Des pas s’éloignèrent, une clef tourna dans la serrure, puis le silence s’installa, à peine rompu par quelques craquements comme si le parquet ciré, enfin libéré des piétinements, se détendait voluptueusement.

   Un homme dormait. Il était assis, la tête reposant entre ses bras posés sur une table ronde. Un gros livre resté ouvert, un stylo posé en travers d’une feuille blanche, couverte d’une fine écriture noire, témoignaient d’une recherche en cours.

   L’écrivain avait passé là tout l’après-midi, compulsant moult documents susceptibles de lui être utiles pour son prochain roman. Il avait beaucoup lu, pris des notes rapides, recopié des passages. Il n’avait pas vu le temps passer et n’aurait su dire si autour de lui, des gens s’étaient activés. Puis la fatigue avait posé sa chape de plomb sur lui, sa tête s’était inclinée et il s’était endormi, d’un sommeil profond, sans rêves semblait-il.

   À l’heure de la fermeture, l’employé avait annoncé haut et fort : « On ferme dans cinq minutes ! Veuillez gagner la sortie s’il vous plaît. » Il n’y avait plus grand monde et il avait fait un rapide tour des lieux pour rappeler à l’ordre les retardataires. Un tour si rapide qu’il n’avait pas vu l’écrivain endormi. Il faut dire que c’était un habitué, pour ne pas dire un pilier de la bibliothèque, de sorte que plus personne ne faisait attention à lui.

   L’ombre et le silence avaient désormais pris une entière possession de ce temple du livre.

   L’homme dormait.

   Soudain, il se dédoubla : une partie de lui-même resta dans la même position, une autre se redressa lentement et s’appuya au dossier de la chaise, le dos droit. Au même moment, un frémissement parcourut les étagères, un imperceptible mouvement pencha les livres de droite à gauche puis de gauche à droite : on aurait dit qu’ils dansaient. Quelques-uns, plus audacieux, se hissèrent au-dessus de leur rangée et s’entrouvrirent ; aussitôt, les pages se mirent à tourner dans un sens puis dans l’autre, toujours dans un bel ensemble qui donnait l’impression d’un harmonieux ballet. Nullement surpris, l’écrivain adopta un balancement en harmonie avec le mouvement général. Il regarda son double à demi couché sur la table, qui ne bougeait toujours pas. Une vie frémissante et joyeuse animait la bibliothèque entière. Il sourit.

A suivre...

Citation :

Une bibliothèque, la nuit... (suite et fin)

   Des silhouettes surgirent alors d’entre les rayonnages, de plus en plus nombreuses : des femmes, des hommes, des enfants. Ils ne marchaient pas, ils glissaient et convergeaient vers lui. Amusé, il remarqua que quelques-uns portaient des vêtements d’une autre époque.

   Dans un premier temps, ils se contentèrent de passer près de lui à le frôler, sans un mot. Ils s’éloignaient pour revenir par une autre allée. Leur manège incessant lui donna un léger vertige. Mais il se sentait bien.
   Retenant par sa cape brune une jeune femme sortie tout droit du Moyen Âge, il demanda :

– Qui êtes-vous ? D’où venez-vous ?

– Je m’appelle Giannina, vous ne me reconnaissez pas ?

– Et moi, je suis Augustin, dit un beau jeune homme en uniforme de la Grande Guerre.

– Moi, c’est Andreu, le camarade de classe catalan de Maria.

   Déjà, l’enfant avait disparu derrière des étagères. Et dans l’esprit de l’écrivain, ce fut la révélation : pas de doute, il les connaissait tous ! François, Josefa, Dan, Efisia, Paul, Fabianus, Mariano, Eleonora… Ils étaient des dizaines à parcourir ainsi les travées de la bibliothèque. C’était ses créatures, les personnages de ses romans !

   Empli de bonheur, il les regardait s’animer ! Il voulut saisir au passage la petite Thérésette mais il n’attrapa rien, qu’un chiffon de robe en dentelle qui s’évanouit à son tour entre ses doigts vides.

– Ne sois pas surpris, lui expliqua en passant Joseph le cheminot. Aucun de nous ne t’appartient plus, chaque fois que tu mets le point final à un roman. Nous t’échappons pour aller vivre dans l’esprit de tes lecteurs.

   Il était déjà parti et l’écrivain s’avisa d’un détail qu’il n’avait pas remarqué. À y regarder de près, ses personnages n’étaient pas exactement tels qu’il se les était représentés.

   Comme si elle devinait ses pensées, la blonde Sophie devenue rousse expliqua :

– C’est ainsi que me voit la dernière lectrice de ton livre, j’ai déjà changé plusieurs fois ! Chacun de nous se transforme au fil des lectures successives.
– Je crois bien que même notre caractère finit par se modifier, renchérit Marion l‘ouvrière qui frottait ses doigts endoloris.

Il y avait tant de livres, pourquoi seuls ses personnages sortaient-ils des pages ? L’écrivain ne se posa pas la question ! Tout lui paraissait naturel !

   Par la fenêtre, pénétra l’aube naissante. Dans la bibliothèque assoupie la lumière revint, et une femme de ménage alerte entra avec son attirail. Sans perdre une minute, elle se mit au travail.
– Tiens, soupira-t-elle, un livre oublié.

   Elle le referma, lissa la couverture, rangea la feuille juste à côté avec le stylo posé dessus, et glissa la chaise vide sous la table.

   Elle n’avait vu personne. Et vous ?

Nicole YRLE

Si si ! ma Nic, je les ai tous vus ! l'écrivain endormi, son double debout près de lui et tous les personnages.... je crois bien qu'il y avait les tiens aussi !
C'est un très joli conte, j'aime beaucoup, merci ma Nicole 

Merci Ysou   C'est l'heure, trinquons !

Pendant ce merveilleux rêve, j'ai vu passer les personnages de tes romans ma Nic, ceux que je m'étais si bien appropriés pendant mes lectures !

Ils sont là dans ma tête et se parlent entre-eux et avec moi. Loin de toi, ils font de belles sarabandes..............et moi, je les suis !

Très joli conte ma belle !

Merci Sapho   , Eleonora c'est le personnage principal du roman à paraître...

Non, je n'ai vu personne  
Merveilleux texte, Nic. Ainsi, les personnages des livres n'appartiennent plus à leur auteur, et ce sont nous, lecteurs, qui les figeons, à notre manière, dans nos mémoires.

Je suis entrée dans cette librairie, et j'en ai senti l'odeur, me promenant avec toi, avec cette écrivain, j'ai vu les livres se dodeliner, et les personnages vivrent,
Merci Nic, pour cette courte mais intense histoire, des nuits blanches de la lecture

Merci BRIe 

Gé-ni-al !
Oui je les ai vus !
Dire que la Thérèsette est devenue religieuse ( au chocolat) !
Enfin j’ai un doute ?
J’ai hâte de faire connaissance avec Eléonora

Moi aussi...........ça urge !!!!!!!   

Patience, les amies , merci à toutes pour votre enthousiasme.  
Non, Suzanne, Thérésette n'est pas devenue religieuse, elle est restée vivre dans la maison familiale avec son frère (réalisant ainsi le rêve jamais réalisé de notre musicien ?), les deux étant restés célibataires ; en revanche ils ont tous deux accueilli chez eux Cécile la fille du guitariste et c'est elle qui, plus tard, entrera dans les ordres, au grand dam de sa mère.    
Les bibliothécaires de Cabestany viennent de m'inviter à présenter le roman à paraître, elles aussi sont pressées ! Je m'inquiète...

Rappelle moi combien il a de pages, ce livre, ma Nicole ..........
Il faut que je me libères de tâches ou obligations diverses quand il sera paru. Quand je vois mon indisponibilité aujourd'hui, à cause de Pierre Lemaitre, qu'est ce que ça va être avec Nicole Yrle !!!!

317 pages, Ysou, mais ça peut encore varier légèrement à cause de la mise en page.

trois cents et quelques ? bon ça va, c'est ma moyenne.

hou ! ça me rappelle qq chose !
quand je donnais un papier au journal, j'avais souvent des problèmes avec les gens du secrétariat d'édition (la mise en page).
Calamity ! c'est trop long ! chuis obligée de couper !
moi : où ça, où ça ?
elle ou lui : là, tu vois ? je peux pas prendre tout !
moi : bon ... bah, coupe, mais pas trop quand meme, tu peux laisser cette phrase ?
elle ou lui : mouf ! oui, ok
des discussions de marchands de tapis !!!!
Et si mon patron était dans le coin ....
- quand je te dis d'écrire un livre .... tu vois !