Face à la détérioration progressive mais continue des eaux européennes, l’association internationale de protection des milieux marins, Oceana, tire une nouvelle fois la sonnette d’alarme. Et pour ceux qui penseraient encore que l’heure n’est pas à l’urgence, l’association ouvre les yeux à ces éternels optimistes et insouciants en présentant un rapport alarmant sur l’état actuel des eaux en Europe.
Pour inquiétant qu’il soit, cet état de détérioration n’est certes pas étonnant au regard des nombreuses menaces qui pèsent actuellement sur ces milieux marins. Comptant parmi les phénomènes les plus nuisibles aux écosystèmes marins, la pollution occupe une place de tête. D’après Oceana, le trafic maritime génère plus de 20 millions de tonnes de résidus d’hydrocarbures en Europe. Près de 40 % des bateaux battant pavillon communautaire transgressent les règles légiférant en matière de pollution marine. La pollution chronique par hydrocarbures suite au lavage des réservoirs, au déversement des eaux de soute et autres résidus d’huile représenterait, en effet, un danger trois fois supérieur à celui des marées noires provoquées par des accidents.
Chaque jour, les mers européennes réceptionnent ainsi 275 déversements de polluants illégaux de divers bateaux, 55 000 tonnes d’eaux de soute, de résidus d’huiles et d’hydrocarbures.
De même, quotidiennement, 350 000 hectares de fonds marins sont dévastés par des chalutiers et 20 000 tonnes de poissons sont pêchées alors que 5 000 autres tonnes sont jetées par-dessus bord. La surpêche et la destruction des habitats marins sous la pression des activités humaines sont deux autres grandes menaces pesant sur les fonds marins. D’après la Commission européenne, 88 % des stocks halieutiques européens sont surexploités et 69 % de ceux-ci sont menacés d’épuisement. Figurent parmi les espèces les plus surexploitées la morue, le thon rouge, le colin, l’espadon, l’anchois, la plie, le merlan, la lotte et le grenadier. Les deux facteurs principaux à l’origine de cette situation sont, d’une part, l’excès de capacité de la flotte de pêche ainsi que des quotas de pêche dispendieux et, d’autre part, les captures accidentelles souvent dues à des techniques de pêche gaspilleuses. Pour certaines pêcheries, comme le chalutage français en eaux profondes, le pourcentage de rejets peut atteindre 90 % du poids total des captures.
Alors que l’état des eaux européennes est déjà soumis à rude épreuve face à ces multiples dangers, une autre pression, indirectement liée à l’homme, vient s’ajouter à ce cadre peu hospitalier. Les changements climatiques ont, en effet, déjà commencé à poser leurs marques sur les océans. Ils se traduisent par des changements de température et de composition chimique de l’eau, eux-mêmes responsables d’une réduction de la diversité marine et de l’émergence d’espèces envahissantes.
Outre la perte irrémédiable d’écosystèmes marins d’une extrême richesse, la raréfaction des ressources halieutiques est lourde de conséquences pour les populations dont la survie en dépend. En témoigne le discours de Ricardo Aguilar, directeur de recherche d’Oceana en Europe : « Plus d’un milliard de personnes dans le monde dépendent de ressources issues des récifs de coraux pour survivre, la disparition de ces derniers aura donc un impact dramatique sur leur vie ».
Cécile Cassier