LIVRE LU : L'OMBRE D'IMANA
C’est dans le cadre du projet “Écrire par devoir de mémoire” que Véronique Tadjo s’est rendue au Rwanda. Un récit est né de ce voyage :
L’Ombre d’Imana. D’un bout à l’autre de son oeuvre, l’écrivain n’a de cesse de transcrire sa rencontre personnelle avec le Rwanda de l’après génocide.
Véronique Tadjo choisit, dans un permier temps, de témoigner de sa rencontre avec les Rwandais et leur pays. Elle évoque, sobrement, les sites où furent commis les massacres, rappelle le nombre des disparus (“Église de Nyamata, + ou – 35 000 morts”, “Église de Ntarama, + ou – 5000 morts”). Une écriture dépouillée, un style souvent informatif disent le pays ; la parole de ceux qui ont vécu le génocide est retranscrite à vif. L’écriture se veut ici prise de conscience.
Véronique Tadjo tente d’explorer toutes les facettes de la tragédie rwandaise ; son discours s’adresse visiblement à un lecteur occidental auquel doivent être rappelées les circonstances historiques et politiques du génocide. Son voyage la conduit à rencontrer nombre de survivants, pour la plupart Tutsis mais également étrangers (la jeune zaïroise que son identité physique désignait comme Tutsie) et à sonder les consciences de ceux qui ont survécu. Soucieuse de comprendre avant que de juger, elle ne sombre pas dans le manichéisme ; évoquant les femmes génocidaires, elle avoue : “on les aurait voulues innocentes”. Elle dépeint également la figure d’un Occidental hagard, brandissant la différence comme une vaine injonction, clamant “le
devoir de différence”. Sa réflexion éthique et esthétique sur l’écriture du génocide rencontre, obliquement et ce n’est sans doute pas par pur hasard, celle qui fut menée par les écrivains de la Shoah : “Comment écrire sans parler du génocide? Le silence est pire que tout”. Bien qu’elle ne soit pas inédite, la problématique de la parole et du silence se devait sans doute d’être à nouveau posée.
“Plus personne ne veut porter cette mémoire trop lourde. Les survivants gênent, les prisonniers gênent. On veut figer les souvenirs par des monuments de pierre” dit un étudiant, or c’est le devenir de cette mémoire dans le présent et son traitement humaniste qui demeurent au coeur d’une réflexion sur le Rwanda.
Biographie : Véronique Tadjo est née en 1955 à Paris, mais elle a été élevée à Abidjan.
Son enfance a été marquée par de nombreux voyages entrepris en compagnie de ses parents et de son frère. Son père, d'origine ivoirienne, a été un haut fonctionnaire ; sa mère était peintre-sculpteur. Véronique Tadjo a un doctorat en Etudes Afro-américaines.
Elle a beaucoup voyagé dans toute l'Afrique de l'Ouest, en Europe, aux Etats-Unis et également en Amérique latine. Elle a enseigné à l'Université Nationale de Côte d'Ivoire pendant plusieurs années. Actuellement, elle est écrivain et anime des ateliers d'écriture et d'illustration de livres pour les enfants dans plusieurs pays.
Après quelques années passées au Kenya, puis en en Angleterre, Véronique Tadjo vit actuellement (2007) en Afrique du Sud. Installée à Johannesburg, où elle dirige le département de français à l’université du Witwatersrand, elle est l’un des auteurs africains les plus reconnus, son roman Reine Pokou, traduit en plusieurs langues, reçoit en 2005 le Grand Prix d’Afrique Noire.