Jean Echenoz, Caprice de la reine, 122 p chez Minuit.
Humour épris d’exactitude.
Cette courte nouvelle (Caprice de la Reine) donne son titre, à double entente, au recueil. On n’en dira pas la chute, qui pourrait être un caprice de l’auteur, mais
- on fait avec lui un petit tour du propriétaire.
On est chez l’écrivain, il se fait son petit cinéma :
- Citation :
« A droite de la main qui écrit ceci s’étend d’abord une terrasse en carreaux de pierre synthétique grenue … »
Début qui dresse un panorama dont le visiteur goûtera - ou non, les ingrédients, des plus nobles aux plus banals, du végétal au minéral, sans oublier le règne animal.
La progression a de quoi surprendre, puisqu’on en arrive au clou du spectacle, qui n’a rien de grandiose sur l’échelle de Richter. Mais on a eu le temps d’effectuer des rotations, d’orienter notre regard selon les précises indications du scripteur : lui, au moins ne perd pas le nord et revient à la fin sur
- Citation :
- « sa main qui, reprenant sa place, est en train d’achever d’écrire ceci »
- Le tour est bouclé, non sans que l’auteur, soucieux d’exactitude, ne s’interroge sur la propriété des termes qu’il emploie :
« L’a-pic se prolonge donc par un creux que l’on pourrait qualifier de sillon, de canyon ou plus simplement de ravin. Va pour ravin »
Même scrupule pour la suite :
- Citation :
- « peut-on se permettre d’avancer à son propos la dénomination de hameau, voire d’écart ? Va pour hameau. »
Du côté des êtres vivants, sans anticiper sur la fin, on s’interroge « sur
- Citation :
- ce qu’il faut bien appeler des vaches ».
Précision et prise à témoin, le lecteur serait donc le complice de l’auteur qui mène le train de la visite :
«
Poursuivons, poursuivons », s‘exclame-t-il, tout à son affaire.
A moins que de complices, nous pensions que l’humour de l’auteur se développe à nos dépens, et qu’il nous « balade », et nous fasse « battre la campagne ».
Au diable la lecture grincheuse, on pratique donc l’empathie devant un exercice autour du rien, spectacle gratuit dont Echenoz est l’architecte malicieux.