ULYSSE
Vous donner une opinion sur ce livre s'avère être très difficile. Ce récit de 1200 pages qui est la réécriture moderne de l'Odyssée d'Homère est une brique pas toujours facile à digérer. Certains passages sont de pures merveilles écrits dans un style époustouflant, d'autres sont tellement hermétiques et énigmatiques que j'ai préféré les sauter (j'y reviendrai peut-être un jour, qui sait ! )
Voici ce qu'en dit BEIGBEIDDER:
Ulysse de James Joyce (1882-1941) a amplement mérité sa place dans ce hit-parade, ne serait-ce qu'au poids. Roman phare de l'œuvre d'un Irlandais alcoolique presque aveugle, émigré au Fouquet's dans les années 1920 et publié à Paris le jour de ses 40 ans, Ulysse est surtout une « encyclopédie de tous les genres », qui a provoqué en littérature la même révolution que le Cubisme en peinture.
Résumer Ulysse prendrait trois heures . Disons que le roman raconte, sous forme de collage, les pérégrinations d'un Dublinois nommé Léopold Bloom à travers sa ville-théâtre . Je ne puis m'empêcher de penser à quelque galopin d'école primaire, plein d'esprit et de dons, mais tellement sûr de lui, tellement égoïste qu'il perd toute mesure, devient extravagant, poseur, braillard et si mal élevé qu'il consterne les gens bien disposés à son égard et ennuie sans plus ceux qui ne le sont pas. » C'est précisément cette attaque qui m'a donné envie d'aimer Joyce. Certes, il faut se battre pour lire Joyce, c'est un auteur qui se mérite, mais en même temps qui ne s'oublie jamais. Question : avez-vous lu beaucoup de romans que vous n'oublierez JAMAIS ? Non, hein ? Donc les livres comme Ulysse sont très rares et très précieux. On n'a pas l'impression de lire Ulysse mais de l'écrire dans sa propre tête autant que l'auteur dans la sienne; Joyce a créé une nouvelle race de lecteurs : les lecteurs actifs. (Gallimard devrait peut-être vendre ses romans à moitié prix!)
Lire Ulysse équivaut aux douze travaux d'Hercule réunis. Ce livre est compliqué, interminable, crevant, génial, baroque, fou, chiant et sublime.
Les personnages
Le Télémaque du livre est Stephen Dedalus, qui nous a été présenté dans Portrait de l'Artiste en jeune homme : c'est en grande partie James Joyce lui-même avant son exil hors d'Irlande. Elevé dans la religion catholique, Stephen s'est insurgé contre la bigoterie de ses compatriotes et l'ordre social en général ; il refuse de servir aucune idéologie . A la fin du précédent roman, il partait pour Paris avec des projets littéraires.
Quand Ulysse commence, environ 6 mois plus tard, nous retrouvons Stephen à Dublin où il a été rappelé par un télégramme au chevet de sa mère mourante. Il s'est installé avec son ami Buck Mulligan dans la Tour Martello de Sandycove, où ils hébèrgent depuis peu un certain Haines. Mais les deux amis ne se ressemblent pas, Stephen se voit accusé d'avoir en lui "de la maudite essence de jésuite". C'est un jeune homme désillusionné, en proie au doute, un artiste conscient de sa stérilité. Son orgueil brimé le pousse à mépriser la matière et à affirmer son absolue liberté.
L'Ulysse moderne est Léopold Bloom, Juif d'origine hongroise converti au protestantisme puis au catholicisme, fils de Rudolph Virag qui a changé son nom en Bloom après son arrivée en Irlande. Léopold est démarcheur publicitaire. Sa femme Molly (diminutif de Marion) est la fille du Major Brian Tweedy et d'une Juive de Gibraltar ; elle est née un 8 septembre comme la Sainte Vierge Marie, et fait des tours de chants. Ensemble ils ont eu une fille, Millicent, qui a maintenant 15 ans, et un fils, Rudy, qui est mort à 11 jours.
Bloom est un homme simple, petit bourgeois discret, bienveillant et tolérant. C'est aussi un sceptique, conscient de sa solitude, ferme dans ses idées, qui croit encore à l'amour du prochain. Les dix années qu'Ulysse passa loin de chez lui, Bloom les passa sans relations sexuelles complètes avec sa femme. Celle-ci par contre, à la différence de Pénélope, collectionne les amants, le dernier en date étant son impresario Blazes Boylan.
L'histoire se déroule le jeudi 16 juin 1904, de 8h00 du matin à 3h00 de la nuit. Le jeudi est jour de Jupiter dont un symbole est le tonnerre, que Joyce assimile à un appel divin. En fait, Joyce a séjourné dans la Tour Martello en septembre 1904, ce qui fait s'interroger sur la signification du 16 juin, sachant qu'il a abordé sa future compagne, Nora Barnacle, le 10 juin de la même année.
Quant aux décors, ce sont les rues et les établissements de Dublin, dont on ne sortira que dans les rêveries et souvenirs des personnages. Le couple Bloom habite le 7 Eccles Street, où logeait en fait un ami de Joyce.
Les 3 premiers chapitres constituent la Télémachie, les 14 suivants les tribulations d'Ulysse, les 3 derniers le retour en Ithaque. A chaque chapitre ou presque sont associés un organe, un art, une couleur et une technique littéraire. Le monologue final de Molly est plus une annexe qu'un véritable chapitre, il est associé à la chair qui vient, en quelque sorte, remplir l'organisme constitué par les chapitres sur Bloom.
Pour moi, ce livre doit être abordé pour les différents styles d'écriture qui le compose mais aussi pour la modernité de ses idées et ses encarts poétiques d'une merveilleuse richesse.
A lire à petites doses mais le reprendre fréquemment