Hélène DORION

Recommencements : mon point de vue


Ce récit dun peu plus de 200 pages est intimement lié à la vie personnelle de l'auteur. C'est une réflexion sur la vie, son impermanence, la mort, le deuil, l'amour, et surtout les recommencements incessants auxquels l'existence nous invite en 23 chapitres courts, à la fois denses et fluides, parfois poétiques.
L'auteur fonde sa réflexion sur l'expérience personnelle qu'elle a vécue en particulier lors de deux grands bouleversements qui l'ont conduite à « refaire sa vie », une rupture amoureuse et la mort de sa mère. ; il s'agit recommencer sans faire table rase du passé, de franchir le cap de la douleur mais sans résister à tout ce qui nous invite à renaître, « un peu comme le phénix qui renait de ses cendres ».
Dans l'avion qui la ramène vers l'île de son enfance, elle analyse avec le recul des années la rupture brutale avec l'être aimé qui l'a d'abord « précipitée dans le vide » pour ensuite la conduire à un recommencement à l'image de l'éternel recommencement de la vague dans l'océan.
De même, la perte de sa mère est vécue douloureusement mais elle lui ouvre aussi la voie de la liberté : une fois rompu le lien de dépendance à l'égard de celle qui lui a donné la vie, elle devient pleinement ce qu'elle est, invitée à « s'habiter elle-même ». Elle apprend ainsi à accepter l'idée que tout passe, que tout peut être refait en mieux, qu'il faut ne pas avoir peur de larguer les amarres, que finalement « réussir sa vie est intimement lié à réussir sa mort ».


Les images liées à la nature, aux saisons et surtout à l'océan (clin d'œil à Ysou!) reviennent souvent et contribuent à la beauté poétique de l'écriture. Hélène Dorion est d'ailleurs l'auteur de nombreux recueils de poésie.
L'inspiration bouddhiste est évidente à plusieurs reprises.
Un beau livre qui aborde avec délicatesse et pudeur des thèmes difficiles tout en offrant une riche leçon de vie.

Florilège, glané dans Recommencements :

Citation :

Imagine-t-on ramer sans larguer les amarres ? C’est pourtant ainsi que la peur agit dans nos vies.
 
Nous résistons si fortement à ce qui nous invite à renaître, alors que nous appartenons à ces recommencements comme la vague à l’océan.
 
Et ce lien fondateur, fusionnel et tissé de dépendances, m’invite désormais par son absence à nommer ce que je suis pour moi-même, à devenir ce que l’enfant ne peut réaliser qu’au-delà de cette rupture définitive qu’accomplit la mort de sa mère.


Je pense que la vie est fondamentalement bonne et que, parfois, notre impatience l'empêche de le révéler.


On n'emporte avec soi rien de ce que l'on a possédé, très peu de ce que l'on a fait, mais tout ce que l'on a été.

La mort est la condition parfaite pour faire de nous des archéologues de l'absolu. Elle nous apprend que la finalité de l'arbre est cet instant même où s'y pose un oiseau, et la grâce de l'un n'a d'égale que la gratitude de l'autre.


Quand on lit un livre, quand on touche un mot, on touche une réalité intérieure; elle est déjà transformée parce qu'elle est déjà éclairée.


La langue est le pinceau de l'écrivain. C'est elle qui permettra au sens de vibrer, de résonner de telle sorte que le mot, la phrase porteront au-delà de ce qu'ils disent.

citation a écrit:

Quand on lit un livre, quand on touche un mot, on touche une réalité intérieure; elle est déjà transformée parce elle est déjà éclairée.

oui, déjà éclairée. Mais rien ne nous empêche de donner à cet éclairage un surcroit de lumière ..... pourquoi ne suffit-il pas, parfois, de cette lueur pour nous transformer, nous aussi .......?

citation a écrit:

Je pense que la vie est fondamentalement bonne et que, parfois, notre impatience l'empêche de le révéler.

qu'entend-t-elle par "la vie" ? ce qui nous échoit à la naissance ou ce que nous faisons de cette vie qui nous est donnée ?
Fondamentalement bonne ..... ça dépend pour qui ?

Ysou, c''est difficile de te répondre en peu de mots. Les réponses d'Hélène Dorion sont dans son livre et je ne voudrais pas les déformer...

Citation :

Citation :

Quand on lit un livre, quand on touche un mot, on touche une réalité intérieure; elle est déjà transformée parce qu'elle est déjà éclairée.

oui, déjà éclairée. Mais rien ne nous empêche de donner à cet éclairage un surcroit de lumière ..... pourquoi ne suffit-il pas, parfois, de cette lueur pour nous transformer, nous aussi .......?

"Un surcroit de lumière", dis-tu ? A mon sens plutôt un éclairage propre à chaque lecteur, et je pense qu'H. Dorion serait d'accord. Selon elle, en tout cas, nous avons du mal à accepter les transformations qui pourtant sont inhérentes à la vie elle-même toujours dans la mouvance. Il y a dans son livre de très beaux passages où elle évoque la nature au fil des saisons, les perpétuels recommencements sans que pour autant soit fait table rase du passé. Il y a aussi des comparaisons superbes avec l'océan qui devraient te plaire et te parler, toi qui aimes méditer devant les flots.

Citation :

Citation :

Je pense que la vie est fondamentalement bonne et que, parfois, notre impatience l'empêche de le révéler.

qu'entend-t-elle par "la vie" ? ce qui nous échoit à la naissance ou ce que nous faisons de cette vie qui nous est donnée ?
Fondamentalement bonne ..... ça dépend pour qui ?

Elle fonde sa pensée sur l'idée essentielle que la vie est mouvement, recommencement perpétuels ; pour elle c'est la vie telle qu'elle est donnée à chacun au départ qui « nous invite à recommencer et [...] c'est toujours pour le mieux, pour le meilleur de nous-mêmes et de ce que l'on a à faire dans notre vie et sur la terre.»

On peut penser que c'est une vision idyllique de la vie humaine ; je crois que chez H. Dorion c'est une leçon de sagesse qu'elle a intégrée à partir de sa connaissance du bouddhisme et peut-être d'autres philosophies orientales.

merci Manic
je suis très déçue parce que je suis passée à la bibliothèque hier, ils n'ont pas ce livre !
J'avais demandé aussi Nord-Nord-Ouest préconisé par Rotko, c'est une édition récente et ils ne l'ont pas encore ... pas d'chance !

Nic a écrit:

Elle fonde sa pensée sur l'idée essentielle que la vie est mouvement, recommencement perpétuels ; pour elle c'est la vie telle qu'elle est donnée à chacun au départ qui « nous invite à recommencer et [...] c'est toujours pour le mieux, pour le meilleur de nous-mêmes et de ce que l'on a à faire dans notre vie et sur la terre.»

oui, c'est une belle vision dans l'absolu... et il faut le faire (je le sais, parce que je l'ai toujours fait, alors je ne vais pas dire le contraire ! la dernière fois, c'était il y a presque 5 ans) mais ça demande parfois du courage, ou une belle dose d'inconscience !

Merci ma NIC pour ce post si complet et si bien écrit. Je le note tout de suite car je suis sûre qu'il me plaira  

J'avais vu cette vidéo bien sûr, elle est très belle et la musique d'accompagnement en est superbe. Merci Sapho et à bientôt pour reparler ensemble de ce livre quand tu l'auras lu.