Biographie et informations
Nationalité : Sénégal
Né(e) à : Niodior , 1968
Fatou Diome est née sur la petite île de Niodior, dans le delta du Saloum, au sud-ouest du Sénégal. Elle est élevée par sa grand-mère.En décalage avec le microcosme de l'île, elle décide d'aller à l'école et apprend le français. Sa grand-mère met un certain temps à accepter le fait qu'elle puisse être éduquée : la petite Fatou doit aller à l'école en cachette jusqu'à ce que son instituteur parvienne à convaincre son aïeule de la laisser poursuivre. Elle se passionne alors pour la littérature francophone.A treize ans, elle quitte son village pour aller poursuivre ses études dans d'autres villes du Sénégal tout en finançant cette vie nomade par de petits boulots : elle va au lycée de M'bour, travaille comme bonne en Gambie et finit par entamer des études universitaires à Dakar. A ce moment, elle songe à devenir professeur de français, loin de l'idée de quitter son pays natal.Mais à 22 ans, elle tombe amoureuse d'un Français, se marie et décide de le suivre en France. Rejetée par la famille de son époux, elle divorce deux ans plus tard et se retrouve en grande difficulté, abandonnée à sa condition d'immigrée sur le territoire français.En 1994, elle s'installe en Alsace. Elle est étudiante à l'université de Strasbourg où elle termine son doctorat de lettres modernes sur Le Voyage, les échanges et la formation dans l'œuvre littéraire et cinématographique de Sembène Ousmane, tout en donnant des cours.
Elle se consacre également à l'écriture : elle a publié La Préférence nationale, un recueil de nouvelles, aux éditions Présence africaine en 2001. Le Ventre de l'Atlantique est son premier roman, paru en 2003 aux éditions Anne Carrière.Son second roman,
Kétala, paraît en 2006.Depuis, Fatou Diome a publié
"Inassouvies, nos vies" 2008 chez Flammarion
, "Le vieil homme sur la barque" un récit avec de très belles illustrations de Titouan Lamazou chez Naïve,en 2010,
"Celles qui attendent, roman" 2010, et
"Mauve"toujours chez Flammarion ,
Impossible de grandir, roman, 2013, Editions Flammarion.
LIVRE LU : LE VENTRE DE L'ATLANTIQUE
RESUMESalie vit en France. Son frère, Madické, rêve de l'y rejoindre et compte sur elle. Mais comment lui expliquer la face cachée de l'immigration, lui qui voit la France comme une terre promise où réussissent les footballeurs sénégalais, où vont se réfugier ceux qui, comme Sankèle, fuient leur destin tragique? Comment empêcher Madické et ses camarades de laisser courir leur imagination, quand l'homme de Barbès, de retour au pays, gagne en notabilité, escamote sa véritable vie d'émigré et les abreuve de récits où la France passe pour la mythique Arcadie? Les relations entre Madické et Salie nous dévoilent l'inconfortable situation des "venus de France", écrasés par les attentes démesurées de ceux qui sont restés au pays et confrontés à la difficulté d'être l'autre partout. Distillant leurre et espoir,
"Le Ventre de l'Atlantique" charrie entre l'Europe et l'Afrique des destins contrastés, saisis dans le tourbillon des sentiments contraires, suscités par l'irrésistible appel de l'Ailleurs. Car, même si la souffrance de ceux qui restent est indicible, il s'agit de partir, voguer, libre comme une algue de l'Atlantique. Ce premier roman, sans concession, est servi par une écriture pleine de souffle et d'humour.
Dans une prose riche et imagée qui fait souvent penser au style des contes africains, Fatou Diome décrit d'une manière originale la vie de ceux qui sont restés au Sénégal et les quelques destins des uns qui sont partis
"pour des raisons économiques" et des autres qui l'ont fait
"pour des raisons plus vivables", le leitmotiv du roman étant:
"Chaque miette de vie doit servir à conquérir la dignité". Elle évoque avec une grande sensibilité les deux personnages essentiels de son existence: d'abord, sa grand-mère qui l'
"allaita sans date butoir" alors qu'elle était une enfant illégitime et
"qui n'a jamais cessé de tisser le fil qui [la] relie à la vie". Ensuite, l'instituteur, Monsieur Ndétaré, dont elle força en cachette la porte de l'école et dont elle dit avec émotion:
"Parce que je ne cessais de le harceler, il m'a tout donné: la lettre, le chiffre, la clé du monde." Autour de ces deux personnages-phares gravite toute une société africaine: des hommes, victimes du mirage français, comme Moussa, ou des femmes, victimes du poids des coutumes ancestrales et de l'obscurantisme, comme Sankèle ou Gnarelle. Sans concession, l'auteur fait le tableau de la
"colonisation mentale" qui a succédé à la colonisation historique, des ravages du tourisme sexuel, de l'illusion du slogan «Blacks, Blancs, Beurs», mais aussi des méfaits de la polygamie, du danger des
"faux dévots en train d'envahir le pays" et des
"déferlantes de progéniture", obstacle à l'émancipation féminine.
Ni pamphlet ni thèse, ce roman propose encore de très belles pages où l'on respire l'Afrique: le rituel du thé, les conversations sous l'arbre à palabres tandis que les femmes
"transforment les grains de riz en rubis", les soirs de danses nocturnes au Dingaré, la place du village et le rythme du djembé, les «rites» du marabout Peul pour faire revenir un mari vers sa seconde épouse, et la légende où deux amoureux, Sédar et Soutoura sont transformés en dauphins.
"Atlantique, emporte-moi, ton ventre amer me sera plus doux que mon lit!".
UME