La Clef des Champs Forum d'amitié |
| | Kamel DAOUD | |
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Auteur | Message |
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rotko
Nombre de messages : 195 Localisation : nantes Date d'inscription : 18/03/2014
| Sujet: Kamel DAOUD Jeu 8 Jan - 12:51 | |
| Kamel Daoud, Meursault contre-enquête, Actes Sud. 1/3 On connaît l’histoire, car dès le titre, l’auteur s’inscrit dans le sillage de Camus, mais dans « l’envers du décor ». Ce n’est plus dans le milieu européen que se déroule l’histoire, mais dans l’entourage arabe, ici représenté par le présumé frère de « l’Arabe », victime d’ un coup de feu - et d’un « coup de soleil » (!), de Meursault, dans le récit de « l‘Étranger ». Dire que ce dernier personnage représente Camus est aller trop vite en besogne, même si le traitement du récit porte l’empreinte de l’auteur. On décode la trame de « l’Étranger », mais par le truchement de « la Chute » : un narrateur dans un bar s’adresse à un interlocuteur muet, avec des digressions, des répétitions et des variantes, voire des « bobards » (le mot est employé), arsenal d’une parole aussi ambiguë que le personnage lui-même. Est-il un frère de la victime, un désoeuvré pilier de bar, ou « un vieillard radoteur » , voire mythomane ? Ou tout à la fois. Quant à l’interlocuteur, il reste bien imprécis, avec des « états » différents, écouteur anonyme, universitaire, ou lecteur lambda de « l‘Étranger », par exemple. Ou lecteur de Kamel Daoud. à suivre ;-) |
| | | rotko
Nombre de messages : 195 Localisation : nantes Date d'inscription : 18/03/2014
| Sujet: Re: Kamel DAOUD Ven 9 Jan - 8:39 | |
| Kamel Daoud, Meursault contre-enquête, Actes Sud.
2/3
La "contre-enquête" vise d’abord, me semble-t-il, à donner une identité à la victime, désignée par le mot anonyme « l’Arabe », à faire vivre son contexte, à lui donner un statut autre que figurant malheureux (« mort dans l’insignifiance ») de ce récit.
Faut-il voir dans l’anonymat une pratique courante de la colonisation, d’un monde où les communautés vivaient ensemble, mais séparées ? Il y a là de quoi réfléchir, et derrière la reconnaissance éclatante du talent de Camus, la question d’une « mentalité pied-noir » dans ce récit.
Les Européens n’y sont pas flattés, entre un souteneur abject, - auquel Meursault apporte son concours et une aide par le témoignage !, et divers intervenants, plus pitoyables qu’intéressants. |
| | | Suzanne
Nombre de messages : 23447 Localisation : Perpignan Date d'inscription : 27/10/2008
| Sujet: Re: Kamel DAOUD Ven 9 Jan - 9:41 | |
| Merci Rotko, j'ai entendu parler de ce livre, j'aimerais bien savoir aussi ce qu'en pense Nicole, (à cause de son admiration pour Camus) _________________ ne dit rien/n'ose pas /de peur/de faire malet la mer/se couche à ses pieds comme une bête aimable. |
| | | Nicamic
Nombre de messages : 28217 Localisation : Perpignan Date d'inscription : 10/03/2014
| Sujet: Re: Kamel DAOUD Ven 9 Jan - 10:05 | |
| - Suzanne a écrit:
- Merci Rotko, j'ai entendu parler de ce livre, j'aimerais bien savoir aussi ce qu'en pense Nicole, (à cause de son admiration pour Camus)
Je compte lire ce livre, bien qu'a priori, je le reconnais, je sois sur la défensive ; mais par honnêteté intellectuelle, je crois que c'est nécessaire et je m'efforcerai de rester objective ! _________________ "Ne te courbe que pour aimer." René Char
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| | | le lémurien
Nombre de messages : 44244 Localisation : à gauche d'Alpha du Centaure Date d'inscription : 10/03/2014
| Sujet: Re: Kamel DAOUD Sam 10 Jan - 7:30 | |
| C'est sur sa page Facebook que l'auteur algérien Kamel Daoud a choisi de poster ces quelques mots, deux jours après l'attaque de la rédaction de Charlie Hebdo :"Deux jours de silence. Mots épars dans la tête. Dessiner tue, penser tue, écrire tue, être libre tue, être digne tue, jouer tue, danser tue, rire tue, dénoncer tue, aimer tue. Deux jours à penser à la mort en soi, aux siens, aux autres, aux dessinateurs de Charlie Hebdo, aux deux journalistes tunisiens exécutés*, aux morts d'ailleurs. L'enjeu ? "Je suis libre" contre ceux qui hurlent "Je suis Allah". A nous de décider quel monde nous voulons face à la fin du monde que les tueurs veulent pour nous." Dans Courrier international ce matin. _________________ Nous étions une étrave face à la vague grise puissante et salée du monde. Notre neuve impatience s'est brisée dans le silence hurlant. Ysandre
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| | | rotko
Nombre de messages : 195 Localisation : nantes Date d'inscription : 18/03/2014
| Sujet: Re: Kamel DAOUD Sam 10 Jan - 7:30 | |
| Kamel Daoud, Meursault contre-enquête, Actes Sud.
3/4
On sait que le narrateur ne représente pas l’auteur, Kamel Daoud,. Reste que certaines faces du tableau algérien d’après l’Indépendance n’ont rien de réjouissant : les désœuvrés (« ils sont des milliers à traîner la patte depuis l’indépendance », «l’ horrible récitant du Coran », pendant de l’aumônier chez Camus, nourrissent le dégoût du narrateur : « je déteste cette ville » (Alger) et son laisser-aller, son puritanisme, « je hais les vendredis » jour de la prière collective, et bien d’autres notations.
Sans parler des faux procès intentés par la nouvelle Justice - celle des anciens ou parfois récents maquisards, n’ont rien à envier au contexte absurde de l’époque Meursault.
On voit que l’œuvre est riche, littérairement et humainement ; elle raconte la genèse d’un livre - et d’un narrateur, de l’enfant au vieillard. |
| | | le lémurien
Nombre de messages : 44244 Localisation : à gauche d'Alpha du Centaure Date d'inscription : 10/03/2014
| Sujet: Re: Kamel DAOUD Sam 10 Jan - 7:34 | |
| bonjour ton Excellence, nous avons posté en même temps ! _________________ Nous étions une étrave face à la vague grise puissante et salée du monde. Notre neuve impatience s'est brisée dans le silence hurlant. Ysandre
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| | | rotko
Nombre de messages : 195 Localisation : nantes Date d'inscription : 18/03/2014
| Sujet: Re: Kamel DAOUD Sam 10 Jan - 7:36 | |
| je ferai un quatrième post sur la contre-enquête. Kamel Daoud est un chroniqueur avisé et pointu, menacé en Algérie.
j'attendrai l'avis de Nicyrle sur ce livre qui s'enrichit d'une bonne connaissance de Camus, et qui renvoie à cet auteur.
bonne journée à vous. |
| | | rotko
Nombre de messages : 195 Localisation : nantes Date d'inscription : 18/03/2014
| Sujet: Re: Kamel DAOUD Lun 12 Jan - 8:26 | |
| Kamel Daoud, Meursault contre-enquête, Actes Sud.
4/4
Le narrateur vit dans l’ombre de l’histoire racontée par Camus, comme il subit le culte de sa mère pour son frère aîné, Moussa, victime de Meursault. en 1942. Vingt ans plus tard, en 1962, Il parvient, avec un acte similaire à celui de Meursault, à se libérer de son frère fantomatique, à exister et à se faire reconnaître par sa mère. Voilà qui explique les allusions à Abel et Caïn. Kamel Daoud raconte la revanche du cadet.
On pensera aussi à la littérature algérienne de langue française qui se confronte à l’ombre immense de Camus, pour s’en libérer. D’où ma préférence pour la fin du livre où la vie immédiate après l’Indépendance est racontée, après plusieurs ébauches balbutiantes, sur un ton personnel, sans fard et sans références ;
Politiquement et socialement, l’Algérie n’est pas encore au rendez-vous d’une indépendance assumée.
Bon vent à Kamel Daoud, après ce coup d’éclat ! |
| | | Suzanne
Nombre de messages : 23447 Localisation : Perpignan Date d'inscription : 27/10/2008
| Sujet: Re: Kamel DAOUD Lun 12 Jan - 9:33 | |
| Ca serait intéressant d'en faire une lecture commune comme à l'époque de GDS, (enfin quand le livre sera en poche) avec vos lumières à Nic et à toi. _________________ ne dit rien/n'ose pas /de peur/de faire malet la mer/se couche à ses pieds comme une bête aimable. |
| | | Nicamic
Nombre de messages : 28217 Localisation : Perpignan Date d'inscription : 10/03/2014
| Sujet: Re: Kamel DAOUD Lun 12 Jan - 11:13 | |
| Merci Rotko pour tes commentaires. Je suis sur liste d'attente à la bibliothèque pour ce livre. _________________ "Ne te courbe que pour aimer." René Char
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| | | Nicamic
Nombre de messages : 28217 Localisation : Perpignan Date d'inscription : 10/03/2014
| Sujet: Re: Kamel DAOUD Ven 30 Jan - 22:02 | |
| J'ai lu les deux tiers de ce roman. J'attends la fin avec curiosité mais je dois dire que, dès les premières pages, il m'a réellement accrochée et très vite mes réticences initiales à l'ouvrir sont tombées. J'y vois à la fois un bel hommage à Camus et une appropriation très habile de son roman L'étranger. En revanche, je me dis que si on n'a pas bien en tête le roman de Camus, on perd une bonne partie de ce qui fait le sel de celui de Daoud. Bien plus, si on ne connaît pas, ou peu, La Chute ou encore Le premier homme, on passe à côté de beaucoup d'aspects du livre de l'auteur algérien. Je crois me rappeler que Kamel Daoud fut à deux doigts de décrocher le Goncourt avec ce roman ; je ne sais pas ce que vaut le livre finalement récompensé (pas encore lu) mais, à mon sens, celui-là aurait pu le recevoir sans qu'on puisse crier au scandale, loin de là. _________________ "Ne te courbe que pour aimer." René Char
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| | | Arundathi
Nombre de messages : 1864 Date d'inscription : 08/04/2014
| Sujet: Re: Kamel DAOUD Dim 1 Fév - 15:55 | |
| Je retiens, merci rotko. Je me suis remise doucement à la lecture. Je pense que je vais me le procurer assez rapidement. |
| | | Nicamic
Nombre de messages : 28217 Localisation : Perpignan Date d'inscription : 10/03/2014
| Sujet: Re: Kamel DAOUD Mer 4 Fév - 23:08 | |
| Meursault contre-enquête 2
Je ne reviendrai pas en détail sur le contenu proprement dit de ce roman, largement et si bien évoqué par Rotko. Je préfère dire ce qui m'a paru le plus réussi.
Daoud multiplie avec aisance, parfois avec humour, les échos avec l'œuvre de Camus, pas seulement L'étranger mais aussi La Chute ou même Le premier homme (en particulier sur le problème de l'identité). Ainsi, le livre commence par «Aujourd'hui, M'ma est encore vivante.» Il y a des citations entre guillements, des effets de symétrie, des similitudes : Meursault s'ennuie le dimanche, Haroun le vendredi, Salamano hurle des journées entières sur son chien, le voisin de Haroun hurle le Coran des nuits entières, On reproche à Meursault moins d'avoir tué que de n'avoir pas pleuré à l'enterrement de sa mère, et à Haroun non d'avoir tué mais de l'avoir fait trop tard quand la guerre était finie. Marie est à l'opposé de Meursault, elle rit, elle pleure, elle aime, Meriem, femme libre et joyeuse vient rompre un temps la solitude d'Haroun, les Roumis de Daoud sont aussi transparents et silencieux que les Arabes dans le roman de Camus, etc.
J'ai trouvé habile le perpétuel et troublant va et vient entre auteur et narrateur. Haroun, le narrateur de Daoud, confond Meursault personnage-narrateur et Camus auteur. Le roman s'ouvre sur la colère d'Haroun contre l'assassin de son frère et à la fin, quand il devient meurtrier à son tour, il s'identifie à Meursault, le lecteur en a le vertige. Le dérisoire et l'absurde s'imposent de plus en plus.
Dans L'étranger, la division en deux parties est signalée clairement par l'auteur. Elle marque une transformation de Meursault. De la même façon mais sans que Daoud le signale, son roman offre un découpage analogue avec une seconde partie à partir du chapitre IX qui correspond également au meurtre. C'est à partir de là aussi que Daoud, en quelque sorte, s'affranchit de l'œuvre de Camus et par le biais d'une langue réinventée, amorce une réflexion (qui a la préférence de Rotko) sur son pays après l'indépendance avec son refus du passé, ses intolérances, ses dérives extrêmistes, ses aveuglements.
Pour ma part, j'ai aimé l'intégralité de ce livre très subtil qui témoigne d'une connaissance approfondie de Camus et de la langue française, avec pour les deux, une appropriation personnelle, intelligente et enrichissante. _________________ "Ne te courbe que pour aimer." René Char
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| | | Nicamic
Nombre de messages : 28217 Localisation : Perpignan Date d'inscription : 10/03/2014
| Sujet: Re: Kamel DAOUD Jeu 5 Fév - 11:48 | |
| Un premier florilège de phrases tirées de Meursault, contre-enquête, révélatrices à mon avis du sens à donner à ce roman : - Citation :
- [Meursault] a tué alors que je savais qu'il s'agissait de son propre suicide. Mais ça, il est vrai, c'était avant que la scène ne tourne sur le moyeu et n'échange les rôles. Avant que je ne réalise à quel point nous étions, lui et moi, les compagnons d'une même cellule dans un huis clos où les corps ne sont que costumes. p. 20
→ Cette phrase du chapitre I annonce le tournant de la 2 e partie. La construction du livre est vraiment subtile sous des apparences de désordre liées au personnage de Haroun qui a tant de points communs avec Clamence, le personnage central de La Chute. - Citation :
- Citation :
- Tu sais, ici à Oran, ils sont obsédés par les origines. Ouled el-bled, les vrais fils de la ville, du pays. Tout le monde veut être le fils unique de cette ville, le premier, le dernier, le plus ancien. Il y a de l'angoisse de bâtard dans cette histoire, non ? Chacun essaie de prouver qu'il a été le premier – lui, son père ou son aïeul – à avoir habité ici et que les autres sont des étrangers, des paysans sans terres que l'Indépendance a anoblis en vrac. p. 21
[…] personne ne s'est demandé quelle était la nationalité de Moussa (la victime jamais nommée de Meursault dans L'étranger, selon Haroun). On le désignait domme l'Arabe, même chez les Arabes. C'est une nationalité, « Arabe », dis-moi ? Il est où ce pays que tous proclament comme leur ventre, leurs entrailles, mais qui ne se trouve nulle part ? p. 148 → Dans Le premier homme, Camus développe, parfois de façon métaphorique, l'idée que, de génération en génération, tous les habitants de la terre d'Algérie sont, individuellement et collectivement, « le premier homme ». - Citation :
- […] je te mens, comme je me suis menti à moi-même pendant longtemps. La vérité est que l'Indépendance n'a fait que pousser les uns et les autres à échanger leurs rôles. Nous, nous étions les fantômes de ce pays quand les colons en abusaient et y promenaient cloches, cyprès et cigognes. Aujourd'hui ? Eh bien c'est le contraire ! Ils y reviennent parfois, tenant la main de leurs descendants dans des voyages organisés. […] Tels des spectres discrets et muets, ils nous regard[ent] , nous les Arabes, en silence. p. 21
_________________ "Ne te courbe que pour aimer." René Char
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| | | Nicamic
Nombre de messages : 28217 Localisation : Perpignan Date d'inscription : 10/03/2014
| Sujet: Re: Kamel DAOUD Jeu 5 Fév - 11:52 | |
| D'autres citations choisies dans ce même roman (en espérant ne pas vous lasser!) : - Citation :
- [Quand j'écoute réciter le Coran] j'ai le sentiment qu'il ne s'agit pas d'un livre mais d'une dispute entre un ciel et une créature ! La religion pour moi est un transport collectif que je ne prends pas. J'aime aller vers ce Dieu, à pied s'il le faut, mais pas en voyage organisé. Je déteste les vendredis depuis l'Indépendance, je crois. p.76
[…] le seul verset du Coran qui résonne en moi est bien celui-ci : » Si vous tuez une seule âme, c'est comme si vous aviez tué l'humanité entière. » → Meursault détestait le dimanche. - Citation :
- Ce furent comme deux coups brefs frappés à la porte de la délivrance. p. 95
→ exemple d'écho à une phrase du Meursault de Camus : « Et c'était comme quatre coups brefs que je frappais sur la porte du malheur. » - Citation :
- Oui j'ai tué Joseph parce qu'il fallait faire contrepoids à l'absurde de notre situation. […] je ne savais pas que le crime pouvait devenir un livre et la victime un simple rebondissement de lumière vive. Est-ce ma faute ? p. 132
-> Dans L'étranger, on lit : « Je ne sentais plus que les cymbales du soleil sur mon front et, indistinctement, le glaive éclatant jailli du couteau toujours en face de moi. Cette épée brûlante rongeait mes cils et fouillait mes yeux douloureux. » _________________ "Ne te courbe que pour aimer." René Char
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| | | rotko
Nombre de messages : 195 Localisation : nantes Date d'inscription : 18/03/2014
| Sujet: Re: Kamel DAOUD Ven 13 Fév - 17:38 | |
| Nicamic disait à juste titre
je me dis que si on n'a pas bien en tête le roman de Camus, on perd une bonne partie de ce qui fait le sel de celui de Daoud. Bien plus, si on ne connaît pas, ou peu,La Chute ou encore Le premier homme, on passe à côté de beaucoup d'aspects du livre de l'auteur algérien.
Oui, il me semble aussi que la fin du livre se délivre des références, jugées un peu écrasantes, de même que le narrateur se libère de son frère qui lui faisait de l'ombre. J'y vois donc une affirmation, littéraire aussi, de la littérature algérienne francophone.
Au moment où on dit que la France doit s'ouvrir à sa population de confession musulmane, je pense qu'étudier les auteurs algériens serait une bonne solution, et un bon avertissement contre l'obscurantisme religieux et ses adeptes. |
| | | Nicamic
Nombre de messages : 28217 Localisation : Perpignan Date d'inscription : 10/03/2014
| Sujet: Re: Kamel DAOUD Ven 13 Fév - 18:36 | |
| - rotko a écrit:
- Nicamic disait à juste titre
je me dis que si on n'a pas bien en tête le roman de Camus, on perd une bonne partie de ce qui fait le sel de celui de Daoud. Bien plus, si on ne connaît pas, ou peu,La Chute ou encore Le premier homme, on passe à côté de beaucoup d'aspects du livre de l'auteur algérien.
Oui, il me semble aussi que la fin du livre se délivre des références, jugées un peu écrasantes, de même que le narrateur se libère de son frère qui lui faisait de l'ombre. J'y vois donc une affirmation, littéraire aussi, de la littérature algérienne francophone.
Au moment où on dit que la France doit s'ouvrir à sa population de confession musulmane, je pense qu'étudier les auteurs algériens serait une bonne solution, et un bon avertissement contre l'obscurantisme religieux et ses adeptes. Certainement. Il y a un très beau passage dans ce roman dans lequel j'aime l'expression "un bien vacant". - Citation :
- Le meurtrier est devenu célèbre et son histoire est trop bien écrite pour que j’aie dans l’idée de l’imiter. C’était sa langue à lui. C’est pourquoi je vais faire ce qu’on a fait dans ce pays après son indépendance : prendre une à une les pierres des anciennes maisons des colons et en faire une maison à moi, une langue à moi. Les mots du meurtrier et ses expressions sont mon "bien vacant".
Je trouve ce rapport à la langue très intéressant. Ailleurs dans le roman, Haroun dit - mais comment ne pas entendre l'auteur - : - Citation :
- La langue française me fascinait comme une énigme au-delà de laquelle résidait la solution aux dissonances de mon monde. Je voulais le traduire à M’ma, mon monde, et le rendre moins injuste en quelque sorte.
Comme son héros, Kamel Daoud s'est approprié la langue française, et de quelle façon ! J'ai lu cette réflexion de lui dans une interview : - Citation :
- Le français est une langue d'infraction, de dissidence, d'imaginaire et de libération.
Un bel hommage... _________________ "Ne te courbe que pour aimer." René Char
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| | | Sapho
Nombre de messages : 20552 Localisation : BRABANT WALLON-BELGIQUE Date d'inscription : 14/03/2014
| Sujet: Re: Kamel DAOUD Ven 13 Fév - 19:47 | |
| Avant de me lancer dans la lecture de ce livre, je voudrais d'abord relire L'ETRANGER de CAMUS. Il y a trop longtemps que je n'ai plus lu Camus et je pense que ce serait plus judicieux de commencer par lui ! |
| | | Nicamic
Nombre de messages : 28217 Localisation : Perpignan Date d'inscription : 10/03/2014
| Sujet: Re: Kamel DAOUD Sam 14 Fév - 0:47 | |
| Je crois que tu as raison, Sapho... et l'œuvre est si belle... _________________ "Ne te courbe que pour aimer." René Char
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| | | le lémurien
Nombre de messages : 44244 Localisation : à gauche d'Alpha du Centaure Date d'inscription : 10/03/2014
| Sujet: Re: Kamel DAOUD Mar 8 Mar - 15:19 | |
| Des nouvelles de Kamel Daoud qui vient de se voir décerner le prix Lagardère du journaliste de l'annéeIl a également donné un point de vue qui a dérangé au point de le taxer d'islamophobie par la gauche bien pensante et autres du même acabit.C'est un homme courageux, clair dans son raisonnement.Comment ne pas être jaloux ? Un talent féroce, un courage à déplacer les continents, et avec cela une humilité en béton armé. Il le sait, Kamel Daoud, le doute est la carapace de l'intelligence... La semaine dernière, l'écrivain a été récompensé par le prix Lagardère du Journaliste de l'année pour ses chroniques dans Le Point. Sa première pensée a été pour les "journalistes algériens des années 90" dont beaucoup sont morts d'avoir voulu être libres. Car, à 45 ans, il est déjà un vétéran de ce combat. En décembre 2014, un imam salafiste algérien a lancé une fatwa contre lui. Dans un article intitulé Mais pourquoi veut-il me tuer ?, notre chroniqueur racontait alors ce que signifiait la "fatwatisation" : "Votre mort sera si lente qu'elle peut durer une vie d'inquiétude." Sauf que Kamel Daoud est loin d'être mort. D'Oran, où il vit, il écrit chaque semaine sur le site algérien Impact 24 et dans Le Point, mais aussi régulièrement dans le New York Times, La Repubblica et Le Quotidien d'Oran. Son roman Meursault, contre-enquête, publié en 2013 chez Barzakh en Algérie puis chez Actes Sud en France, a failli - aurait dû ? - obtenir le Goncourt. Il a finalement décroché celui du premier roman... Sans attendre d'être reconnu à sa juste valeur, Daoud travaille. Tout le temps. Graphomane ? Peut-être. Fanatique de la langue française, c'est sûr. Il est des passions plus tristes... Daoud fait mentir sur toute la ligne le jugement d'Oscar Wilde selon lequel "le journalisme est illisible et la littérature n'est pas lue"... Ce rieur contrarié impressionne. Et dérange. Ni les enragés islamistes ni leurs idiots utiles de chez nous, les islamo-gauchistes, ne le laissent en paix. Le jour de l'annonce du prix Lagardère, Le Monde n'a rien trouvé de mieux que de publier la tribune d'un "collectif" composé de "sociologues", "anthropologues" et "politistes" (sic), l'accusant de véhiculer des "clichés orientalistes" et d'"alimenter les fantasmes islamophobes"... On se frottait les yeux, ce jour-là, et pourtant c'était bien vrai. MeuteQuoique stupide et finalement assez dérisoire, cette tribune mérite un peu d'attention, tant elle révèle la bêtise montante. En question, pour ses auteurs, un article de Daoud pour La Repubblica, et repris dans Le Monde, intitulé Cologne, lieu de fantasmes, dans lequel l'écrivain traitait de la question de la relation aux femmes dans le monde musulman. Le "collectif" estime, à sa lecture, et en caricaturant allègrement, que c'est "un projet disciplinaire, aux visées à la fois culturelles et psychologiques, qui se dessine. Des valeurs doivent être "imposées" à cette masse malade, à commencer par le respect des femmes. Ce projet est scandaleux (...) ". Scandaleux, le respect des femmes ? Oh la belle tribune ! Oh le beau combat ! Comme chacun sait, le monde est menacé par de dangereux comploteurs au service de la laïcité et de la liberté... C'est bien là le fardeau de Kamel Daoud : devoir supporter en Algérie les fanatiques de la religion et en France les imbéciles gaucho-régressifs, qui, révélant au passage des préjugés déterministes douteux, tentent de l'enfermer dans une case. Comme s'il leur était insupportable qu'un Algérien fût laïque et libre de sa pensée. "Nous vivons une époque de sommations", constate lui-même Daoud dans Le Quotidien d'Oran. Dans son Meursault, l'écrivain avait déjà les mots pour décrire cela : "Ils sont là, juste derrière, bavant de rage." La meute qui le poursuit peut en outre compter sur le silence gêné de la gauche bien-pensante ainsi que de la droite algéro-méfiante. D'autres avant lui, comme Camus, son étranger jumeau, furent aussi seuls, faute d'avoir pris leur "carte" quelque part. Et pourtant, c'est aussi sa force, à Kamel Daoud : pas de "carte". Germelle Le Point _________________ Nous étions une étrave face à la vague grise puissante et salée du monde. Notre neuve impatience s'est brisée dans le silence hurlant. Ysandre
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| | | le lémurien
Nombre de messages : 44244 Localisation : à gauche d'Alpha du Centaure Date d'inscription : 10/03/2014
| Sujet: Re: Kamel DAOUD Mer 9 Mar - 21:21 | |
| tu as lu ce que j'ai copié collé, Suzanne ! je trouve ce type non seulement talentueux mais aussi incroyablement courageux ! en plus, ce qu'il dit est vrai. _________________ Nous étions une étrave face à la vague grise puissante et salée du monde. Notre neuve impatience s'est brisée dans le silence hurlant. Ysandre
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| | | Suzanne
Nombre de messages : 23447 Localisation : Perpignan Date d'inscription : 27/10/2008
| Sujet: Re: Kamel DAOUD Jeu 10 Mar - 10:18 | |
| Mets le lien quand tu fais un copié collé
_________________ ne dit rien/n'ose pas /de peur/de faire malet la mer/se couche à ses pieds comme une bête aimable. |
| | | le lémurien
Nombre de messages : 44244 Localisation : à gauche d'Alpha du Centaure Date d'inscription : 10/03/2014
| Sujet: Re: Kamel DAOUD Jeu 10 Mar - 10:44 | |
| je l'ai pas fait parce qu'une page entière s'affichait !!! _________________ Nous étions une étrave face à la vague grise puissante et salée du monde. Notre neuve impatience s'est brisée dans le silence hurlant. Ysandre
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| | | Suzanne
Nombre de messages : 23447 Localisation : Perpignan Date d'inscription : 27/10/2008
| Sujet: Re: Kamel DAOUD Jeu 10 Mar - 14:41 | |
| _________________ ne dit rien/n'ose pas /de peur/de faire malet la mer/se couche à ses pieds comme une bête aimable. |
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