Avant la haine Par Rotko
Comment naît l'amitié entre deux adolescents originaires du Maroc, l'un Juif et l'autre Arabe : eux et leurs familles emménagent à Vaux-en-Velin, près de Lyon. Là, désireux de devenir français à part entière, ils subissent des humiliations de leurs camarades, des insultes fréquentes lors de contrôles d'identité, des rejets multiples. Tous deux s'opposent ensemble à leurs adversaires respectifs, partagent leurs expériences, leurs projets, et en dialoguant avec leurs camarades se confrontent aux idées reçues comme aux comportements discriminatoires. Parfois, après les années lycées, les dialogues laissent place à des silences, des malentendus, voire des attitudes divergentes, sinon hostiles, devant les prises de positions communautaires et religieuses qu'ils adoptent.
Une des questions prioritaires de ces adolescents : se forger une identité qui leur permette de s'épanouir dans le pays d'accueil, tout en gardant leurs aspirations individuelles, culturelles et religieuses. C'est difficile dans un contexte peu accueillant, et leurs itinéraires comme les réflexions de leurs camarades font souvent le procès d'une France lâche, dans le droit fil de Vichy ou de la « soumission ».
Pourtant par la multiplicité des partenaires et des opinions, les points de vue restent nuancés. le récit montre pour ces ados devenus adultes, une ascension sociale qui les laisse au contact de leurs origines, mais les fait s'opposer notamment sur la question palestinienne, génératrice d'un antisémitisme violent. D'où la décision de l' « alya », le désir de partir pour Israël, bien que non présenté comme l'eldorado enviable vanté par certains arrivants.
Mentionné dès l'incipit, on en comprend les causes par un récit rétrospectif, présenté sous la forme d'un journal croisé : dans des chapitres courts, Mounir et Rafaël prennent alternativement la parole, relatant des conversations vives, en temps réel. le récit intéresse donc par son côté spontané, la diversité des épisodes, et la force des convictions.
En dernière partie on trouve une rétrospective - décennie après décennie, [« L'origine de la haine, les années 80 » > « la Haine année 2010 » ] des heurts entre Juifs et Musulmans, avec le rappel de faits divers tragiques (Ilan Halimi, Merah etc.). le lecteur prend donc une vue panoramique de l'évolution des mentalités comme des comportements individuels et collectifs qui explique bien des évènements douloureux de Janvier ou de Novembre 2015.
La focale de l'auteur souligne la dégradation du « vivre ensemble », en l'espace d'une génération - les ados sont devenus quinquagénaires, et l'un des personnages, Rafaël, tient notamment pour responsables « les imams radicaux, l'extrême gauche pro-palestinienne, les racailles des banlieues, des humoristes nauséabonds à succès, des intellectuels « collabos » aux positions très ambiguës, des bobos frileux, des journalistes irresponsables, sans culture ni conscience etc. »
Par le biais de cette fiction on vit de l'intérieur avec des personnages de bonne volonté le divorce des communautés, l'échec de la politique française d'accueil, et les imprudences internationales devant la situation explosive du Moyen-Orient.
Merci aux éditions Flammarion qui m'ont fait parvenir ce livre, via Babelio.
http://www.babelio.com/livres/Cohen-Avant-la-haine/783723/critiques?tri=dt[*]
La focale de l’auteur souligne la dégradation du « vivre ensemble », en l’espace d’une génération - les ados, un Juif et un Arabe sont devenus quinquagénaires, ;
Par le biais de cette fiction on vit de l’intérieur avec des personnages de bonne volonté le divorce des communautés, l’échec de la politique française d’accueil, et les imprudences internationales devant la situation explosive du Moyen-Orient.
L'auteur ne cache pas son point de vue, puisqu'il est partie prenante, mais le sujet mérite réflexion en ces jours d'attentats.