Les assassins de la curiosité
Il y a deux manière d’envisager la curiosité qui la montent direct sur l’échafaud. D’abord il y a le mot coquille vide qu’on retrouve partout dans les listes de qualités obligatoires et indispensables à l’employabilité. Ce désir de connaître, de savoir, c’est la garantit d’un esprit qui creuse ses sujets, qui montre de l’intérêt, qui donc progresse par lui-même en « faisant de la veille métier ». Résultat tout le monde est curieux. Essentiellement curieux de ce qu’il sait déjà, car de façon générale, nous sommes plus enclins à confirmer ce que nous pensons déjà qu’à nous remettre en question. Ce qui nous amène à l’autre bout de la ligne.
Où, parce qu’elle remet en question les ordres établis en allant farfouiller au delà des apparences, la curiosité dérange suffisamment pour que des petits malins défenseurs de normes se soient empressés de l’étiqueter « indiscrétion ».Faites-en « un vilain défaut », faites-en le meurtrier du chat comme chez les anglo-saxons et voilà vos ouailles hésitantes à l’idée d’aller regarder par delà les murs du rassurant jardin d’Eden. Il n’en faut pas plus pour nous retrouver enfermés dans un enclos de croyances que nous avons plus ou moins consciemment choisi d’adopter, associé à une peur de l’inconnu vieille comme les monstres des forêts, du basilic au loup-garou.
« Quelle rage a-t-on d’apprendre ce qu’on craint de savoir » demandait Beaumarchais. Probablement aucune: certaines découvertes, sur nous-mêmes ou sur le monde qui nous entoure, bouleverseraient bien trop l’univers que nous avons construit pour qu’on ait envie d’aller à leur rencontre.
Il y a bien plus de rage alors à ériger des murs costauds et aveugles entre nous et toute tentation exploratrice qu’à y céder, tant elles sont porteuses de dangereuses remises en question. En réprouvant la curiosité, c’est la morale et la peur qui deviennent les assassins impitoyables de la soif d’apprendre enthousiaste de
l’enfant autodidacte, grâce à laquelle nous avons pourtant acquis tant de compétences et de savoir à une vitesse et avec une facilité ahurissantes, parce quelle est la source de sa propre motivation et d’un grand plaisir.
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Nous étions une étrave
face à la vague grise
puissante et salée du monde.
Notre neuve impatience
s'est brisée dans le silence hurlant.
Ysandre