La Clef des Champs Forum d'amitié |
| | la lecture ....... | |
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le lémurien
Nombre de messages : 44331 Localisation : à gauche d'Alpha du Centaure Date d'inscription : 10/03/2014
| Sujet: la lecture ....... Mar 26 Jan - 14:19 | |
| Avant de déclarer, une nouvelle fois, que les défenseurs du latin et du grec au collège pratiquent la désinformation, la ministre de l'Éducation nationale devrait lire le plaidoyer de l'helléniste Pierre Judet de La Combe [1]. Un plaidoyer pour la lecture considérée comme un droit… et comme un devoir. La lecture, c'est cette activité lente et patiente sans laquelle aucune culture ne peut se construire. L'auteur se montre, à ce propos, très sévère envers nos décideurs : « Il n'est aujourd'hui que trop évident que ces responsables, autoproclamés ou élus, en général très diplômés, n'ont pas assez lu, qu'ils ont décidé de ce que nos sociétés devaient faire sans trop savoir, sans avoir pris le temps d'aller voir les livres, nouveaux ou plus anciens, qui traitaient déjà des questions qu'ils se posaient. » Puis il ajuste son tir : « L'école, malheureusement, suit cette pente. » L'illustration la plus affligeante en est le sort réservé aux langues anciennes dans la réforme du collège, sous prétexte que leur étude relèverait de la « culture bourgeoise ». Quel mépris de la part de ces idéologues, qui considèrent donc qu'un élève issu d'un milieu modeste ne peut accéder à l'étude d'Homère ou de Virgile dans le texte ! Quel aveuglement alors que c'est tout le contraire : d'une part, il n'y a pas plus égalitaire que l'étude du grec et du latin, puisque les jeunes nantis ne peuvent pas aller faire des séjours linguistiques coûteux pour améliorer leur pratique et dépasser leurs camarades ; d'autre part, toutes les enquêtes réalisées par l'auteur montrent que les langues anciennes constituent un formidable moteur culturel dans les collèges défavorisés. « Une Antiquité sympa, accessible et bigarrée »Pourquoi, dès lors, la réforme des collèges transforme-t-elle l'étude des langues anciennes en vague atelier de découverte, puisque les élèves se verront proposer un « enseignement pratique interdisciplinaire » pour tout viatique ? Une décision d'une grande inconséquence : « L'histoire, ses détours, les conflits entre les traditions, les propositions de sens faites par les auteurs, souvent les uns contre les autres, deviendront de simples faits, résumables, transportables, comme le sont les objets du marché que la gauche ne cesse pourtant de critiquer. » Les élèves se familiariseront ainsi avec « une Antiquité sympa, accessible, et bigarrée ». Pierre Judet de La Combe fait au contraire l'éloge de l'apprentissage de la langue, de la version grecque ou latine, et donne de nombreux exemples de la poésie, de la créativité qu'elle peut engendrer, y compris chez des élèves de collège. Et il ne cache pas qu'en cette période troublée, la lecture des classiques peut apporter des éléments sinon de réponse, du moins de réflexion : « De fait, il s'agit de mondes anciens, périmés. Mais leur écho s'entend toujours. D'abord, ils font rêver, ce qui justifie déjà qu'on les enseigne […]. En plus, ils changent notre idée du religieux, de la vérité, de la croyance. »
Les dégâts dans l'Education Nationale vont aboutir à quoi ? des générations de décérébrés ........? _________________ Nous étions une étrave face à la vague grise puissante et salée du monde. Notre neuve impatience s'est brisée dans le silence hurlant. Ysandre
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| | | Sapho
Nombre de messages : 20616 Localisation : BRABANT WALLON-BELGIQUE Date d'inscription : 14/03/2014
| Sujet: Re: la lecture ....... Mar 26 Jan - 15:32 | |
| Le grec et le latin sont en train de devenir l’un des rares endroits où les élèves les plus fragiles peuvent bénéficier de ce grand luxe dans l’école d’aujourd’hui : du temps. Du temps pour comprendre l’orthographe des mots, la grammaire d’une langue, l’évolution d’une écriture, du temps pour l’essentiel. La diminution drastique des horaires de français dans le secondaire rend ces matières indispensables, au moins pour ceux qui ne peuvent apprendre le français là où on l’apprend désormais : non plus dans une classe, mais dans sa famille. Dans cette étoffe d’incohérences que constitue une journée de cours pour un lycéen d’aujourd’hui, le grec et le latin confèrent une unité à cet ensemble, notamment pour ceux qui n’ont personne autour d’eux pour les aider à s’orienter dans le dédale des filières et des options. Pouvoir retrouver l’étymologie de tel nouveau terme scientifique, tel symbole mathématique familier, tel mythe revu et corrigé par un auteur du XXe siècle, telle racine indo-européenne commune à l’allemand et à l’espagnol, ou comment une journée de cours s’ordonne autour d’une langue ancienne. ……Le grec et le latin, instruments de l’égalité des chances, vecteurs de réussite scolaire pour les plus démunis ! Il fallait agir ! Supprimer les élèves prendrait du temps, le plus simple est qu’ils n’aient plus de professeurs. Cette décision devenait d’autant plus urgente que commence à se dessiner aujourd’hui le bilan des «hommes de progrès» qui ont, depuis quelques décennies, la haute main sur l’enseignement des lettres : un bac français où a désormais cours la notion de «compréhension phonétique» de la copie, des professeurs de langues vivantes, de sciences bloqués dans leur progression par les lacunes abyssales des élèves en français, des universités instituant un peu partout des modules de rattrapage accéléré en grammaire et en orthographe pour les jeunes bacheliers, des élèves incapables de trouver les mots, prisonniers de codes langagiers qui font peut-être les délices des scénaristes et des publicitaires, mais s’avèrent assez discriminants dans les entretiens d’embauche. Effectivement, mieux vaut que les élèves n’entendent pas trop parler de l’Athènes antique, où les hauts fonctionnaires étaient astreints à rendre compte de leur gestion au sortir de leur charge… ……C’est dire la responsabilité qui échoira à ces derniers jeunes professeurs de lettres classiques, qui, dans un mois à peine, seront projetés dans les eaux troubles des classes de collège, avec la lourde charge d’y faire exister le grec et le latin. C’est là-bas plus qu’ailleurs que ces matières devront apporter la preuve de leur légitimité et de leur nécessité. Ils nous trouveront à leurs côtés dans cette entreprise. Universitaires, formateurs, professeurs, c’est à ce combat-là que nous allons désormais consacrer toutes nos forces, loin des jurys de concours où nous laisserons à d’autres la délicate besogne d’abandonner l’étude des «poètes impeccables», pour le contrôle, plus inattendu, des «collègues impeccables». ……Car nous sommes convaincus qu’il y a plus que jamais en France une demande d’école, une demande d’exigence, d’ambition et de dépaysement, et que le grec et le latin sont les mieux placés pour y répondre. Dans un système qui ne fait qu’accroître les inégalités entre les familles, où l’on explique aux élèves boursiers «on va vous faire passer des concours différents parce que vous êtes pauvres», dans un système qui abandonne, sans combattre, ses principes fondateurs aux établissements privés, nous ne comptons pas vraiment abdiquer «l’honneur d’être une cible». Par Pascale Barillot, professeur de lettres classiques (Versailles), Malika Bastin-Hammou, maître de conférences (Grenoble), Emmanuèle Caire, professeur des universités (Aix-Marseille), Anne de Crémoux, maître de conférences (Lille), Bénédicte Delignon, maître de conférences à l’ENS (Lyon), Laure Echalier, maître de conférences (Montpellier), Anne-Marie Favreau-Linder, maître de conférences (Clermont-Ferrand), Michèle Gally, professeur des universités (Aix-Marseille), Thomas Guard, maître de conférences (Besançon), Michèle Guéret-Laferté, maître de conférences (Rouen), Augustin d’Humières, professeur de lettres classiques (Créteil), Sabine Luciani, professeur des universités (Grenoble), Danièle Sabbah, professeur des universités (Bordeaux), Anne Vialle, professeur en classe préparatoire (Bordeaux). _________________ Nous sommes nos choix. (Sartre) |
| | | le lémurien
Nombre de messages : 44331 Localisation : à gauche d'Alpha du Centaure Date d'inscription : 10/03/2014
| Sujet: Re: la lecture ....... Mar 26 Jan - 16:26 | |
| - citation a écrit:
- Supprimer les élèves prendrait du temps,
diable ! c'est drastique ! (je plaisante, Sapho, j'ai parfaitement compris la phrase, mais je me suis encore laissé tenter par mon mauvais esprit !!! ) C'est une excellente analyse, mais c'est désolant ..... _________________ Nous étions une étrave face à la vague grise puissante et salée du monde. Notre neuve impatience s'est brisée dans le silence hurlant. Ysandre
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| | | Suzanne
Nombre de messages : 23447 Localisation : Perpignan Date d'inscription : 27/10/2008
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