Lors de la journée mondiale sans tabac du 31 mai dernier, on entendit beaucoup parler des effets du tabac sur la santé humaine. Or, les services publics auraient pu tout aussi bien choisir la photo d’un poisson flottant le ventre à l’air pour illustrer les impacts de la cigarette.
Une récente publication de l’International Journal of Environmental Research and Public Health (1) déclare que les mégots doivent être classés « déchets dangereux ». D’après cette étude, les mégots de cigarettes ne représentent pas moins de 845 000 tonnes de déchets chaque année. Composés d’acétate de cellulose, non biodégradable, ils partent avec les eaux de ruissellement jusqu’aux rivières pour finir dans l’océan. En témoigne le fait que sur les plages américaines ils représentent un tiers de toutes les ordures collectées. Et les chercheurs insistent, il ne s’agit pas seulement de ce qui est fumé au bord de la mer mais de tout ce qui s’y échoue. Outre les questions paysagères et l’enjeu économique du retraitement de ce type de déchet, qui contient nicotine, phénol et métaux lourds, la toxicité pour les milieux aquatiques semble désormais avérée. Des recherches menées par Richard Gersberg, de l’Université de San Diego, ont montré qu’un seul mégot de cigarette pouvait tuer un poisson dans un litre d’eau en moins d’une centaine d’heures. Il n’est donc pas conseillé de tenter l’expérience avec son poisson rouge.
Effet pervers de la lutte anti-tabac qui a mis les fumeurs dehors, les mégots finissent dans la rue avec les papiers gras mais sont donc loin d’être de simples déchets inertes. Des mesures de sensibilisation sont possibles : équiper les établissements de cendriers, encourager les fumeurs à se munir eux-mêmes d’un cendrier de poche, ou encore, au pire, menacer de 183 € d’amende tout jet de mégot sur la voie publique comme c’est le cas en France. Mais d’autres pistes existent peut-être et les compagnies du tabac sont évidemment sur le coup. D’après le New York Times, Philip Morris, le géant du tabac, finance déjà des organisations telles Keep America Beautiful ou Ocean Conservancy dans le cadre de programmes de prévention contre les déchets de la cigarette. Reynolds American Inc., le deuxième plus gros fabricant de cigarette, déclarait quand à lui au NYT que son industrie cherche à développer des cigarettes « respectueuses de l’environnement », biodégradables. Alors, avec 5 500 milliards de cigarettes consommées dans le monde chaque année (2), la cigarette verte est pour quand ?
Elisabeth Leciak
1- T.E. Novotny & al., 2009. Cigarettes Butts and the Case for an Environmental Policy on Hazardous Cigarette Waste. Int. J. Environ. Res. Public Health, 6(5).
2- Source : Organisation Mondiale de la Santé.