De la part de Rotko :
Blondel, Un hiver à Paris, buchet chastel.
Un suicide dans une prépa parisienne, c’est le trauma qui autorise la description d’une classe préparatoire élitiste et le parcours individuel d’un provincial « monté à Paris ». Le récit paraît autobiographique dans la mesure où, Victor, le provincial devenu auteur connu de romans, reçoit la lettre d’un lecteur, au courant du drame survenu.
Un milieu clos, « hautement concurrentiel », où élèves et profs forment deux camps complices dans l’optique d’un concours, dans l’esprit d’un darwinisme social indispensable. On y trouve des solitaires et des adeptes d’un clan, des sentiments de mépris et d’amitié, de jalousie et d’entraide. Le tout sujet à retouches, car le vent tourne au gré des notes et des reconnaissances. Certains portraits sont sévères, sujets pourtant à retouches dans le récit :
« Clauzet transformait son cours en un numéro de claquettes sadiques. Il n’aimait rien mieux que les réactions physiques des élèves, leur pâleur soudaine, ou leurs rougeurs, les larmes retenues ou non, les tremblements […] En me rendant mes copies, Clauzel me gratifiait généralement d’un froncement de sourcils accompagné d’un « tiens, vous êtes encore là, vous ? » ou d’un « vous pensez passer le concours en 2020 ? ». Les devoirs eux-mêmes étaient barrés de rouge et les commentaires assassins se multipliaient dans la marge, mélange d’ironie, de presque insultes et et d’attaques personnelles. Certaines de ses victimes s’effondraient en cours; »
Victor prend de la distance, il a derrière lui une année d’hypokhâgne vécue en solitaire, mais le suicide de Mathieu le touche personnellement, et sa proximité avec la victime lui permet - paradoxalement, d’être mieux intégré dans un milieu qui le tenait à l’écart, et le considérait comme un « tâcheron ».
Son parcours et ses relations en sont modifiées, mais n’en disons pas trop. Le récit se dévore, car l’écriture est très fluide, l’intérêt constamment maintenu, sans analyses psychologiques importunes. L’intéressé mène une vie intense, affectivement et scolairement, avec des doutes, des regrets, des revirements. Les rapports avec les adultes sont particulièrement bien vus, dans des dialogues où les répliques et réactions de Victor créent la surprise même chez le lecteur. On est à l’écoute, non dans le jugement, et on comprend ce que le drame a pu avoir de perturbant, à l’époque et par la suite. Ce livre m’a été conseillé par Marie Sizun ( « le père de la petite » ), et on trouvera des points communs entre ces deux relations de jeunesse perturbée.
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"Ne te courbe que pour aimer." René Char