Marie PROUVOT

De comment j'en vins à accepter ma propre folie

Une petite araignée
s'était impunément logée
chez moi, dans quelque recoin,
la coquine, elle savait bien
qu'à chiffons, plumeaux et balais
je n'étais guère abonnée.

Mais voilà qu'un beau matin,
j'enfilai mon tablier,
qui au placard s'ennuyait,
et soudain d'humeur joyeuse,
je me mis en train.

Quand je m'approchais du logis
de ma petite squatteuse,
à la toile très en ordre,
mais, voila, ça fait désordre,
elle me dit, toute affolée,
au bout de son petit fil,
au secours, je demande asile!
Politique!

Politique je rêve,
depuis quand les araignées
seraient elles pourchassées,
ou menacées de prison
pour leur opinions,
ou leur appartenance
à quel ethnie sans défense?

Sans pitié, mon chiffon se levait
sur la soi-disant réfugiée.
Au secours, je demande trêve!
Sous mon petit foulard noué,
je me grattai alors la tête,
devant une telle obstination.
Va-t-elle donc pas se mettre en grève,
ou faire sa révolution?
Et allons bon, depuis quand
les araignées ont-elles droit
de hisser le drapeau blanc?

Bon, je suis par nature
ou par culture, je ne sais,
encline à la compassion.
Animée par la clémence,
je lui donnai une chance,
j'ouvris les négociations.

Que dis-tu, asile politique,
mais tu es un nuisible,
comme les poux, les puces, les tiques.

Non, je jure, je ne fais
aucun mal,
mais nous, pauvres araignées,
sommes pour toujours victimes,
comme héritage d'un vieux crime,
de l'antique malédiction,
araignée du matin, chagrin,
araignée du soir, espoir...

Et comme les ménagères
n'ont plus trop la main légère,
quand s'en vient la nuit tombée,
et ne briquent qu'en matinée,
nous sommes pour toujours condamnées.
Idées reçues, et préjugés!

Écoute, petite bête
à huit pattes, il n'y a pas que ça.
Mais je trouve que vue de près,
tu n'es pas belle à regarder.
Délit de sale gueule! On aura tout vu!
C'est pire que d'habiter la rue!

Là je fus un peu gênée,
moi qui, du temps de mon jeune âge,
avais écrit mes opinions,
et toutes mes contestations,
sur les murs comme sur des pages,
et qui lisais Libération!

Peut-être que j'avais vieilli,
peut-être avais-je toqué
ma bombe à marquer mes idées
contre celle de la Fée du logis,
achetée en supermarché?

Je continuai, néanmoins,
conditionnée, comme chacune,
araignée du matin, chagrin.
Je lui dis, oui, mais toi, tu piques!
Attention, il y a amalgame
me répond la petite dame,
je n'ai rien des veuves noires,
ni de toutes ces histoires,
et... regarde mes fils d'argent,
au soleil, comme ils sont brillants!

J'étais à court d'arguments.
Et comme je n'ai rien en moi
de cruel, du moins je le crois,
ni du méchant loup de la fable,
pour qui la force fait le droit...

Alors n'ayant pas de solution,
je l'ai gardée...
dans mon plafond!

Marie PROUVOT

Marie Prouvot était professeur de Lycée.
Dans le courant du retour à la terre des années 70, elle part élever des chèvres dans la montagne, et y restera de nombreuses années.
Elle écrit des contes: ("Contes des collines de l'Aspre", "Contes fantastiques"), des nouvelles, plusieurs recueils de poésie et un roman "Le Prisonnier qui avait goût de sel"

Invité

voilà une petite arraignée que j'ai fini par trouver super sympa !
Joli texte bien rythmé qui donne envie de chantonner
Merciiiii et bravoooooo à l'auteur !

"garder son araignée au plafond" je suis pour !!! dans tous les sens du terme Marie PROUVOT Icon_wink

Adorable poésie qui se lit comme un petit conte, pleine de bons sens, les mots sont bien choisis et chacun peut l'interprêter comme il l'entend, Bravo Madame la Poêtesse.... on en veut d'autres ! merci

BROUCHES

Il est sans doute par la nuit
des Carabosses qui s'ennuient
et dont l'unique souci
est de briser le bonheur de vie.

Peut-être ont-elles grand tourment
de ne servir que le Méchant,
peut-être ont-elles le cœur chagrin...

Et par le matin,
elles se cachent sous les pierres,
amères.

Peut-on seulement sur terre,
même quand on habite le mystère,
et les invisibles contrées,
vivre banni d'aimer?

Marie PROUVOT

Les brouches sont les sorcières, c'est leur nom en catalan écrit phonétiquement.
Ça s'écrit Bruixe.

moi attention suis une sorcière berrichonne,...et il y a la fête des birettes...mais maintenent je ne sais plus si ça se fait...mais il y a toujours de la sorcellerie avec des aiguilles et des poupées dans le berry profond!!!! m^me que moi je passe les brûlures eh ouiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii Marie PROUVOT Confused

cloclo

C'est vrai, je perds tout, je sais...

Il y a dans le silence
des étoiles, ton prénom,
que j'ai égaré, pardon,
au firmament, par la nuit.

On ne peut rien me confier,
c'est vrai, je perds tout, je sais.

Tu m'as donné ton sourire,
et moi, j'ai peur de la terre,
je sais, on y trouve le pire,
surtout quand on est sincère.

Alors je t'ai emporté,
par la Voie Lactée.
Je t'ai serré fort de t'aimer.
Mais là-haut, c'est très étrange,
ça doit être trop près des anges,
rien n'appartient à personne,
c'est pas comme la terre des hommes.

Car sur la terre des hommes,
pour garder maison,
construction, famille, raison,
le reste n'est que cocagne,
bulles de champagne.

Alors j'ai dû t'égarer.
On ne peut rien me confier,
c'est vrai je perds tout, je sais.

Je t'ai perdu par la nuit,
mon rencontré, mon joli,
mon splendide, tout entier réel,
là où la terre devient ciel.

Marie PROUVOT

Merci Suzanne tres beau poeme

Car sur la terre des hommes,
pour garder maison,
construction, famille, raison,
le reste n'est que cocagne,
bulles de champagne.

Alors j'ai dû t'égarer.
On ne peut rien me confier,
c'est vrai je perds tout, je sais Marie PROUVOT 565172

_________________
J'essai de suivre les trois R
Respect de soi
Respect des autres
Responsabilité de toute vos actions

Invité

merci pour ce beau poème Suzanna , ça fait du bien
cloclo

Un petit chat noir

Un petit chat noir,
pas plus méchant que le renard
du Petit Prince sans doute,
s'apprêtait à traverser
ma route!

Mais, tout soudain, ma voiture,
qui pourtant pas bien géante,
et encore moins méchante,
par je ne sais quelle envergure
mystérieuse, mais très sûre,
l'intimida.

Il advint que le félin,
qui pour sa malédiction,
n'était ni blanc ni marron,
même pas non plus tigré,
comme les chats des calendriers des PTT,
se tapit sur le talus,
ne bougeant pas d'un iota,
et me gratifiant ainsi
d'un sursis.

Oui, je sais, il est bien sûr,
gravé dans mon disque dur,
toutes sortes d'absurdités,
de superstitions programmées,
et auxquelles on ne peut rien.

Et je ne cesse de répéter
à mon pauvre ange gardien,
qui, de s'occuper de moi,
va tourner bredin,
enlève moi de la tête
toutes ces farigoulettes,
toutes ces terreurs,
et viens plutôt me donner
quelque trèfle à quatre feuilles
qui porte bonheur!

ils sont tellement beaux avec leurs yeux verts !
Et le poême est "taquin" à lire, bravo !

j'aime à savoir, à lire des poêmes, des femmes et des hommes qui ont gardé la naïveté de rêver...
c'est du tout bon....
Et les poêmes, faut les lire, les relire, et rêver Marie PROUVOT Drunken_smilie

Peut-on seulement sur terre,
même quand on habite le mystère,
et les invincibles contrées,
vivre banni d'aimer?

Je me pose la question.....

LE CANIGOU ET LE MONT SAINTE ANNE

Quand enfin,
après tant de chênes verts, tant de schistes et tant de soleil,
de garrigue, de pierre et d'épine,
les routes et les chemins tout à coup s'amenuisent,
se perdent et se confondent,

quand l'infini vallonnement, grave, docile, âpre,
quand l'infinie présence
dure et douce,
moutonnante et sauvage
des collines s'arrête…

Là-haut,
Blanches cimes lumière, et Sainte Anne la douce.
Montagnes épousées, comme le sont depuis toujours ciel et terre,
dans l'hymen millénaire par lequel toutes choses viennent à vie.

Sainte Anne, dernière montagne de l'Aspre, dernier trait d'union de Dieu avant
son immense splendeur de neige et d'azur.
Quand il n'y a plus d'arbres,
quand il n'y a plus ni hameau, ni clocher,
là-haut,
là où depuis des siècles montent les troupeaux pour dormir au creux du mois
d'août sous le firmament.

Dernière montagne de l'Aspre, longue et douce et paisible,
douce comme la nuit qui vient sur ceux qui s'aiment,
Douce comme la mère qui porte son enfant,
Douce comme la vie qui pardonne au clément.

Sainte Anne,
Petite chapelle de bergers, rendez-vous solitaire, hurle-vent de l'hiver,
Et puis quand vient l'été, quand vient le temps de l'estive,
brise tranquille qui caresse à l'entour les brebis et les pâtres, et les herbes
sauvages.

Sainte Anne,
sanctuaire oublié loin sur les hauts de l'Aspre…

Dans l'abside effondrée sans autel et sans croix,
où les roches brûlées de lichen et de vent,
sont comme le creuset où réagit le Temps,

sur les pierres écroulées de l'âme paysanne,
les brebis vont paissant, sans souci du Bon Dieu,
les brebis vont paissant, et le ciel est si bleu.

Marie Prouvot

On comprend bien que St Anne se mérite, et c'est tant mieux Very Happy

Désolée c'était invisibles et non invincibles contrées !

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ne dit rien/n'ose pas /de peur/de faire mal
et la mer/se couche à ses pieds
comme une bête aimable.

Les deux ont des sens différents, mais se trouvent à l'aise dans la poésie de Marie... mais faut respecter l'auteur (çà devait être un coup de sorcellerie jocolor

)

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A coup sûr !

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ne dit rien/n'ose pas /de peur/de faire mal
et la mer/se couche à ses pieds
comme une bête aimable.

JAMAIS HIVER NE FUT SANS FIN

Le vent souffle par la nuée,

les blancs moutons sont doux rentrés,

à la chaumière vite allons,

par la nuitée, par la rêvée,

en bergerie nous dormirons.

En montagne orage a grondé,

de Mars à Avril pluie est tombée,

en montagne orage a grondé,

comme d’une terreur passée.

Cette terre

serait-elle

cruelle

malgré tout le bien-pensé ?

Le vent souffle de pluie mouillé,

Mars traverse le calendrier,

Mars hésite, il ne sait,

de fâché, de réconcilié,

il ne sait,mais la Terre

ne tourne pas à l’envers.

Mais dans la terre par la nuit

germe le tout petit

grain de semence à lever.

Mais sur la paille, la brebis

réchauffe le tout petit

agneau nouveau-né.

La terre est douce par l’Avril,

et la chatte dans le fenil,

fermant ses yeux couleur de pluie,

et ses griffes griffant la nuit,

et la chatte dans le fenil

a fait ses petits.

Marie Prouvot

D'autres poèmes de Marie Prouvot Ici clic

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et la mer/se couche à ses pieds
comme une bête aimable.

PROMENADE ECOLOGIQUE

Un petit papillon tout fou

se posa un beau matin

au bord du chemin

sur une fleur corolle ouverte

dans l’herbe verte.

Très joli, me direz vous,

Romantique et très classique,

cette vision bucolique.

O Nature bien aimée !

Eh bien non, car sous les herbes

se trouvaient force papiers,

boîtes de conserves et plastiques,

immondices là jetés

après quelques pique-niques,

O Nature mal aimée !

Comme il voletait plus loin,

continuant son chemin,

il trouva des bouts de carton,

ça et là à l’abandon.

Comme si l’engeance humaine,

pourtant fort préoccupée

de nous vacciner,

de nous surveiller,

de nous surhygiéniser,

ne pouvait pas respecter

la simple beauté.

Ce papillon, vous allez rire

savait lire !

Sur un des cartons il lut,

Fumer tue !

Avec ces mots parlait-on

des multiples pollutions,

des résidus de carbure

qui sortent de nos voitures,

ou des vapeurs délétères

des centrales nucléaires ?

Le papillon n’en savait rien,

innocent de tout l’humain.

Alors il s’en fut cherchant

une fiancée vêtue de blanc,

pour oublier ses tourments.

Mais chemin faisant des taches

d’une identique blancheur

faillirent tromper son ardeur.

Car dans les herbes c’était

du polystyrène expansé !

Répandu dans la verdure,

ce sous-produit du carbure

éthylénique et benzénique,

cette matière infernale

qui met pour se dégrader

des millions d’années !

O humain, ça t’est donc égal

de ne pas distinguer le bien du mal ?

Et si je vous racontais

ce que virent sous les charmilles

les coccinelles, les chenilles,

les grillons, les escargots,

les marguerites, les coquelicots,

les rouges-gorges, les lézards,

les grenouilles et les têtards,

les frênes et les ormeaux,

les boutons d’or, les roseaux….

Tout ce monde qui survit

à l’humaine tragédie.

O humain, prends-tu le temps

de songer à tes enfants ?

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ne dit rien/n'ose pas /de peur/de faire mal
et la mer/se couche à ses pieds
comme une bête aimable.

J'adore ce poème, Merci

Suzanne de me le remettre en mémoire et de le faire découvrir à celles et ceux qui ne le connaîtraient pas. Il est si vrai et si beau qu'il mérite une large diffusion ! soleil

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"Ne te courbe que pour aimer." René Char

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